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Danola, la fleur qui éclot !
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Danola, la fleur qui éclot !

Par Jean Emmanuel Jacquet

« Premye fwa » est sortie le 28 août 2019, mais la vidéo de la chanson a été postée par Mage Entertainment, le 24 septembre 2019 et a déjà atteint plusieurs centaines de milliers de vues au moment d’écrire cet article. La chanteuse Danola était pratiquement inconnue de la grande majorité des mélomanes. Cependant, les premières réactions, loin d’aborder la chanson elle-même, étaient pratiquement surprenantes : Est-elle une Haïtienne ? Attention, on n’est aucunement en présence d’un jugement de valeur sur son talent. Loin de là. Mais, de cette voix neuve dans le milieu, presque pour parler d’un certain son qui ne fait pas musique locale.

De son apparition

Elle s’appelle Danola Antoine. C’est du moins ce que la plupart des mélomanes savaient jusque-là. Pas ou presque pas d’évènements majeurs à son actif, ni de passé vérifié dans un concours de chant ou autres expériences musicales connues sur le terrain, comme par exemple, Haïti Deploge, Digicel Stars, Star Académie, Podium Ecoliers, etc. A part peut-être son apparition dans « Pitit tè a » sur l’album de Kanis (Niska) que, là encore, pas grand monde n’a déjà découvert en entier. Ou bien avant, dans le show « Bibi Netalkole » (qui n’a pas duré) de Radio One, comme elle l’a mentionné récemment dans un article de Ticket. De toute façon, on était en 2017. Un ami m’a signalé qu’elle a été en 2018 sur la scène Découverte du Festival de Jazz de Port-au-Prince.

En Haïti, peut-être comme dans beaucoup d’autres pays sous-développés, l’album n’est qu’un prétexte, et pour beaucoup d’artistes haïtiens, pas des moindres, du pur gaspillage, tant il y a des soucis de plagiat à résoudre en toute urgence, et de multiplications à outrance des œuvres vers d’autres supports électroniques ; sans compter un autre souci, celui du nombre d’animateurs qui s’amusent à ne diffuser que les musiques les plus populaires ou celles qu’ils aiment le plus, abandonnant parfois des chefs-d’œuvre en terme de valeur musicale. Bon, c’est à la fois légitime et aberrant. Cependant, une chose est bien sûre, c’est que Danola, avec sa chanson « Premye fwa », a tout d’un coup retenu l’attention et charmé les mélomanes.

De la musique

Mais alors, qu’a de spécial cette chanson ? D’abord, sans la vidéo et le texte, elle est agréable à écouter, avec un son neuf, la voix de Danola qui sort quelque part dans la gorge, éraillée, avant de retrouver un son plus moyen, notamment dans le refrain (en passant très bien mesuré, suffisamment pour plaire aux oreilles même les plus exigeantes) ; généralement, les modèles, par exemple : Toto Bissainthe, Emeline Michel, Yole et Ansy Dérose, …  les plus puisés par nos jeunes artistes, restent encore dans du pittoresque, avec un son plutôt proche d’une musique traditionnelle, locale, sous haute influence de la chanson française des années 80, où la voix demeure le premier atout de l’artiste, avant un travail intensif sur le son. Ce dernier est aujourd’hui revisité par les musiciens plus contemporains, pour tenter de s’affranchir de la routine nationaliste et conquérir l’international (le worldbeat n’étant, à ce milieu des années 80, qu’à ses premières armes, il a fallu en rester là). Les interprètes d’ici aussi. Danola symbolise un certain printemps, et elle n’est pas la première. Du pop et de la rock music, en complicité avec une voix neuve, comme dans sa chanson, vont donner, ici, de petites merveilles.

Du texte

Il y a ensuite le texte, certains diraient qu’il n’est pas priorisé (problème technique) car il faut parfois se pencher pour discerner toutes les paroles. Le texte qui raconte un sujet ordinaire, la tromperie et/ou la jalousie, offre par contre une expression toute originale de la douleur et de la déception d’un cœur meurtri, hargneux, mais qui reste encore un cœur face à un homme pour lequel son amour demeure intact. Ce sont des mots simples, puissants, qui expriment sincérité et embrasement. Il y a quelques bons extraits du texte qui pouvaient bien illustrer le travail, comme ces bribes : « … Sak plis ap touye mwen, lanmou m pa menm k goumen… Je me retrouve là, quelque part en moi où ça fait mal… Kòman w ka fè renmen l pou renmen m tou ?…  Sim kitew mennen m quelque part en moi où ça fait mal … »

De la vidéo

Et enfin la vidéo. (Je n’aime pas ajouter la vidéo à l’actif de l’artiste, vu qu’elle demeure une œuvre d’art d’une toute autre main, et cela tient beaucoup du talent du réalisateur, du chorégraphe, et/ou des acteurs. Bien entendu, cela sert fortement à propulser la chanson et le/la chanteur/euse). Cela va de soi. Ici, dans cette vidéo de la chanson « Premye fwa », on est face à un travail de qualité réalisé, sans nous étonner, par Mage Entertainment, production dirigée par le photographe Réginald Georges. La scène s’ouvre sur des images d’un homme kidnappé, les yeux bandés, qui va subir les interrogations – voire les aveux – d’une femme en colère et dont sa fureur est empreinte de folles passions et de jalousie. Tandis qu’elle s’exprime, se plonge dans ses ressentis les plus profonds, l’homme semble pourtant espérer le pardon. La vidéo va se refermer sur l’abandon de cet homme (son homme) dans les conditions préalables de sa détention.

L’éclosion de la fleur

« Premye fwa » est agréable à l’oreille. Elle chuchote un certain avenir de la chanson en Haïti et prouve que cette dernière peut encore exister au milieu d’un compas qui peine encore à retrouver son essence et son originalité ; d’un rap qu’il reste à savoir s’il est créole ou haïtien ; et d’un « rabòday » qui n’arrive pas encore à s’affranchir des dérives de toutes sortes nées de l’ignorance des uns et des autres et/ou de la méconnaissance du sujet par les artistes.

Danola Antoine est une jeune chanteuse qui a débuté dès sa tendre enfance sans pourtant sortir de single. Un article de Ticket paru en septembre dernier a rappelé qu’elle a été chez les Sœurs de Saint-Louis de Bourdon, avant de se mettre à étudier le Génie civil. « Premye fwa », son premier single, est l’éclosion d’une fleur dénommée Danola, chanteuse et guitariste autodidacte.

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