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Face à l’injuste variable
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Face à l’injuste variable

Par Lord Edwin Byron

« Men jodi a, sa k pase a di vremanvre, tan an chanje. Menmsi gen moun ki regrèt pou sila yo ki mouri yo e ki pa gentan wè tan sa ki ale a ansanm ak ale mesye Danpèd la… »

Les quartiers de Port-au-Prince ont chacun une histoire. Histoire de riches détenant le droit de vie et de mort. Histoire des déshérités du sort condamnés à subir toutes les violences  du monde. Histoire de femmes et d’hommes qui doivent toujours se taire. Avec une écriture aérienne,  bien à la dimension des exigences de la modernité, l’écrivain Rodolphe Mathurin nous invite à parcourir des sentiers qui nous sont familiers. Le récit nous emmène au cœur d’un passé bouleversant. Un jeu qui tient le coup tant par la finesse du style que par la façon dont le sujet est charpenté.

Jilièn est en proie à des précarités. Un fils à élever seule, une besogne pénible. Mais, reste convaincue que sa part de femme vaillante, libre, et mère responsable doit être revendiquée. Traitée avec toutes les horreurs du monde, elle est la voix de toutes celles qui sont contraintes de  ne plus jouir de leurs droits. Elle est aussi ce cri qui déchire le mutisme dont sont victimes certaines femmes, ces trieuses de café et les « jamè dodo », face à l’injustice. Entre elle et Danpèd, le patron d’une usine, tout tourne au vinaigre. Elle veut à tout prix garder un enfant. L’homme hautain et inhumain refuse de « salir » sa lignée.

« Nan lè sa a, nan tan sa a, gen anpil konsa tankou sa ki t ap pase andedan izin Mesye Danpèd la ki t ap dewoule nan pòs polis la tou. Epitou, nan lòt pòs ki pi gwo, pi lwen ou ki plis vwazen lanmò toujou (pase sa)… »  Paj 39

Rodolphe Mathurin est d’une sensibilité rare dans sa façon de tenir le lecteur éveillé. On est en plein dans un passé plutôt récent, à quelques décennies, où tout un chacun doit éviter de s’immiscer dans la vie des autres. Un passé terrifiant marqué par la dictature. La langue pour réaliser ce travail est la nôtre, le créole avec toute sa suavité et sa chaleur.

« Règ jwèt la », un récit émouvant éclatant d’imagination. Aisé et enveloppant. En somme, digne d’un écrivain qui sait bien se tenir à la hauteur d’un propos qui interpelle tout un chacun. Un véritable clin d’œil à un passé douloureux, ce passé qui nous est familier, ce passé qui habite notre présent.

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