Par Pradel HENRIQUEZ*
Je voudrais d’entrée de jeu rappeler à votre mémoire les paroles du philosophe allemand Walter Benjamin, qui fut un « penseur privé », aussi historien de l’art, critique littéraire, critique d’art, digne représentant de l’École de Francfort. Il écrivait en son temps, un temps troublé comme le nôtre, cette phrase qui pour moi cadre avec la cérémonie de ce matin : «Le passé réclame une rédemption dont peut-être une tout infinie partie se trouve être placée en notre pouvoir. Il y a un rendez-vous mystérieux entre les générations défuntes et celles dont nous faisons partie nous–mêmes. Nous avons été attendus sur terre »
Cette courte phrase de l’auteur de «L’œuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité technique» contextualise l’événement de ce matin et tout ce qui sera fait par la suite au sein l’institution de service public qu’est le Ministère de la Culture et de la Communication d’Haïti. Elle nous interpelle ce matin sur notre mission sur terre, notre mission sur la terre d’Haïti.
« Nous avons été attendus sur terre !» Chacun de nous en ce qui le concerne ! Avec la mission de rédemption pour ce passé glorieux que nous avons hérité de nos fiers aïeux et preux de 1804. Et cette rédemption doit commencer par la culture et la communication en Haïti.
Je ne veux pas fuir ce rendez-vous mystérieux entre les générations défuntes et celle dont je fais partie moi-même. C’est pour cette raison, malgré les difficultés et embuches de toutes sortes, j’accepte d’être le titulaire du Ministère de la Culture et de la Communication, qui constitue à mon humble avis l’ossature charnière de la refondation nationale, par le travail qu’il est amené à faire dans les changement de mentalité, de comportement et l’acquisition de valeurs positives qui contribueront au renforcement de l’identité nationale, de la cohabitation sociale et du vivre-ensemble si effrité ces temps-ci.
Le ministre sortant, Jean-Michel Lapin, le nouveau ministre Pradel Henriquez, le Premier ministre, Joseph Jouthe, et le Secrétaire d’Etat à la communication, Eddy Jackson AlexisAyant à l’esprit qu’une toute infinie partie de cette rédemption nationale se trouve être placée en notre pouvoir,Je voudrais d’abord exprimer ma profonde reconnaissance, à son Excellence, Monsieur Jovenel MOISE, Président de la République et le Premier ministre, Monsieur Joseph JOUTHE, pour m’avoir donné l’opportunité de servir mon pays au plus haut niveau de l’Etat.
Je voudrais remercier publiquement le Ministre sortant, Monsieur Jean Michel LAPIN, dont j’ai été le Directeur de Cabinet depuis septembre 2018, pour la confiance qu’il avait placé en moi et la collaboration fructueuse qui a marqué cette période. Et aujourd’hui, j’en profite pour lui renouveler, ici, ma reconnaissance et mon soutien indéfectible.
C’est avec beaucoup d’humilité que j’assume ce poste. Je voudrais saisir l’occasion de diriger les actions du MCC qui m’est offerte pour contribuer à jeter les bases de la refondation du secteur Culturel et de la Communication.
Depuis des décennies, Haïti fait face à une grave crise multidimensionnelle qui touche presque tous les secteurs de la société. Aujourd’hui cette crise profonde va au-delà d’une simple conjoncture socio-politique. C’est en réalité une crise culturelle et communicationnelle, au sens où elle prend ses sources dans notre histoire politique même, ou encore, dès notre naissance de peuple.
Pourtant, la réponse à cette crise qui en est maintenant, à près de deux cents ans de métamorphose, avec des hauts et des bas, passera nécessairement par une réappropriation du facteur culturel national.
Malgré cette crise, le pays est paradoxalement connu pour la richesse et la diversité de sa culture. Haïti regorge d’artistes et de créateurs. La renommée de certains d’entre eux, fait tomber les rideaux de nos frontières et leur éclat nous porte très souvent sous les projecteurs de la scène internationale.
Fort de ce constat, sous le règne du Ministre Jean Michel Lapin, un diagnostic du secteur de la culture et de la communication a été effectué avec l’appui de nos chers partenaires de l’UNESCO, de l’OIF et de l’Union Européenne et des différents acteurs de la coopération internationale.
Les problèmes ont été identifiés avec les cadres techniques du Bureau central et des organismes techniques spécialisés. Le secteur de la Culture et de la Communication fait face à des difficultés, à des besoins énormes de plusieurs ordres :
1.Institutionnel :
On y remarque un faible niveau de budget par rapport à sa véritable mission, d’autant que le niveau d’investissement privé s’avère tout aussi insignifiant. On note aussi, par ailleurs, très peu de coordination des aides bilatérales et multilatérales, et l’absence de cadre législatif et règlementaire.
2.Infrastructurel :
Les rares équipements culturels et communicationnels sont concentrés à la capitale quand ils ne sont pas tout simplement désuets. De ce fait, l’action de notre équipe au sein du MCC- Car nous serons une équipe à faire bouger les choses ! L’action de l’équipe vise à la structuration réelle du secteur permettant à Haïti d’expérimenter une autre approche de gouvernance où la création artistique et littéraire, le patrimoine culturel, les industries culturelles et créatives, la communication, les technologies de la communication sont au cœur du développement économique et social.
Nous avons été attendus sur terre ! Nous avons été attendus en ces moments difficiles, de déliquescence, de délitement social en vue de jeter les bases de la reconstruction du «nouveau Ministère de la Culture et de la Communication d’Haïti» qui doit répondre aux impératifs du moment.
Un grand pouvoir exige de grande responsabilité ! De prendre ses responsabilités ! C’est lorsque les choses sont difficiles qu’on a besoin de gens ayant de grands caractère et une force de volonté à nul pareil ! Nous sommes de la génération de la culture et la communication ! Nous sommes de la génération du changement !
Et ce changement doit commencer par la création d’ « Un seul et unique MCC» comme le corps humain avec ses différents membres, le nouveau MCC a plusieurs embranchements, plusieurs Directions techniques spécialisées ou autonomes qui doivent travailler en synergie, sans conflit au niveau de la mission, et concurrence en vue d’atteindre la mission de l’institution afin de revaloriser la culture haïtienne et renforcer notre place de leader culturel dans la caraïbe et dans ce monde globalisé.
« Un seul et unique MCC» en vue de faire de la Culture et la Communication – vecteurs de production de sens et de signification- des leviers incontournables de cohésion sociale et de la construction du vivre ensemble. De ce fait, l’action du MCC tendra vers une véritable restructuration du secteur culturel et de la communication dans une logique de développement économique et social.
Plus explicitement, notre action sera de faire de la culture et de la communication un levier transversal contribuant à la sécurité nationale, à la réduction des inégalités et la relance de l’économie nationale.
Pour contribuer à la réalisation de cette mission, nous croyons qu’il n’y a pas de barrière étanche entre la culture et la communication à la manière de l’écrivain américain James Carey, l’auteur de « Communication as Culture” (1989) qui voyait les medias comme des «liens sociaux, et non seulement comme des dispensateurs d’information ».
Dans cette perspective, « la culture est communication, et la communication est culture », Car tous deux participent à la construction de sens et de significations capables de refonder la société haïtienne.
Et, si je me réfère au paradigme développé par Dominique Wolton pour qui «Communiquer c’est contribuer à la cohabitation » voire même au vivre-ensemble. Nous savons que la cohabitation est le seul modèle qu’on peut adapter à la construction d’une nation- Et nous avons besoin de construire la nation haïtienne par la communication ! Par la Culture !
Vous n’êtes pas sans savoir que la cohabitation suppose le primat de la tolérance. La cohabitation que l’on vise à travers notre action au MCC demandera : « L’expérience concrète de l’autre ; la tolérance à l’égard d’autrui ; la référence à l’universel comme moyen d’éviter la segmentation. C’est se respecter, égalité [culturelles] des partenaires, reconnaître les diversités culturelles dans une perspective globale […].»
Vue partielle de l’assistance
Notre action en tant que Ministre de la Communication c’est de renforcer la cohabitation, la cohésion sociale et le vivre-ensemble. Tout doit tendre vers la communion avec la population et éviter l’incommunication au sein de la société. Tout notre travail se résumera au fait de «Sauver la communication» en Haïti dans la perspective Woltonienne.
Tout ceci passera par l’autre dimension qu’est la « Culture ».En tant que Ministre de la Culture, je travaillerai à l’affirmation de l’identité nationale via la dynamisation des industries culturelles et créatives, la sauvegarde du patrimoine culturel, l’appropriation des technologies de la communication.
Nos interventions reposeront sur les axes suivants :
1) Le renforcement institutionnel ;
2) Le développement culturel ;
3) L’appui aux initiatives culturelles orientées vers le développement des structures socioéconomiques locales ;
4) La sauvegarde et la valorisation du patrimoine culturel ;
5) La modernisation de la communication en général et de la communication gouvernementale et culturelle.
Il s’agira pour le Ministère de la Culture et de la Communication de :
a) Définir une politique publique de la culture, de la communication en tenant compte du phénomène du numérique et du rôle des technologies d’information dans notre société ;
b) Réorienter les médias d’État vers une mission de service public ;
c) Redéfinir le cadre législatif et règlementaire pour le secteur de la culture, de la communication;
- d) Élaborer et adopter les mécanismes institutionnels de financement des initiatives et activités culturelles ainsi que de la communication;
e) Encourager l’entreprenariat dans le secteur de la culture, de la communication;
f) Contribuer à la professionnalisation, à la mobilité des acteurs de la culture, de la communication;
g) Établir un mécanisme de communication capable de répondre aux situations de risque, de crise et de gestion des catastrophes comme la pandémie du Coronavirus, l’épidémie du choléra, les séismes, les accidents de la route, les catastrophes naturelles, les maladies cardiovasculaires qui sont en nette progression dans la société etc ;
h) Renforcer et harmoniser la communication au sein de l’administration publique pour qu’elle soit cohérente et transparente tout en favorisant:
– L’accès à l’information
– Le droit à la Communication
– Le droit à la Culture
– Le respect strict de la liberté de la Presse
i) Élaborer les mécanismes de sauvegarde, de gestion et de mise en valeur du patrimoine culturel.
Les défis sont de taille, mais ma détermination – et celle de l’équipe du MCC- à relever ces défis en offrant notre contribution au Gouvernement seront porteuses de résultats.
Chers collègues, chers cadres du MCC, chers amis de la presse, chers opérateurs du secteur culturel et de la communication, chers partenaires de la Coopération internationale, la tâche qui nous attend est énorme; mais nous ferons ensemble les ajustements et compromis nécessaires, pour combler les attentes de la population. Mettons-nous résolument au travail, dans un esprit d’ouverture et de respect, sous l’égide de la compréhension mutuelle.
Merci
*Ministre de la Culture et de la Communication
Mars 2020
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PS: SiBelle Haïti veut produire un travail de qualité dans le secteur, et pour cela, souhaite vivement financer son programme pour qu’il puisse durer. Si vous êtes intéressés à contribuer ou à aider, envoyez un mail à sibellehaiti@gmail.com, notre équipe s’entretiendra avec vous pour savoir comment vous pouvez le faire.
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