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Les figurations métaphoriques de Jean Robert Alexis
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Les figurations métaphoriques de Jean Robert Alexis

Par Orso Antonio DORELUS

A l’occasion de la “5th Paris Art Symposium”, le peintre haïtien Jean Robert Alexis était présent à cette grande manifestation culturelle qui s’était déroulée du 25 au 30 Janvier 2020, à l’Hôtel Novotel de Bagnolet, Paris. Le plasticien a reçu 3 certificats d’honneur et mérite pour sa participation et la qualité de son travail délivrés par le Club for Unesco for art & letters of Achaia, International artistic scientific master class by zervas art, et International Artistic Culturel & Scientific Organization. Cette activité avait réuni plus d’une cinquantaine d’artistes-peintres de différents pays, tels que: l’Allemagne, la France, l’Algérie, la Palestine, le Maroc, etc.

Jean Robert Alexis ne savait pas qu’il devait réaliser des tableaux au cours du symposium. Sans matériels, il se rendait à Paris. C’est à la veille de l’exposition et la remise des certificats, explique t-il, que l’un des responsables l’avait appris qu’il devait peindre des œuvres. Heureusement, il avait quelque chose en lui pour exprimer. Il a proposé ces deux œuvres qui ont été vivement réclamées par ses paires.

La perception visuelle

Le peintre, avant de peindre ses œuvres, se pose-t-il la question “Et si je peins le tableau picturalement?”. Ce n’est pas un pochoir qu’il réalise, des clichés ou encore moins des croquis, mais des images fabriquées au propre avec son cerveau comme attention sélective dans l’instantanéité. S’agissait-il de l’œuvre de Kasimir Malevitch  »Carré blanc sur fond blanc » que le peintre adopte pour dessiner son image de type archétypale. Loin de là, le plasticien ne fait que déposer son écriture picturale sur un cadre blanc rectangulaire.

Cette expression d’imagerie tend à faire croire que les images sont accolées sur un support blanc, penchées et tenues par une tige de rotation, et la force attractive serait dans le sens de l’aiguille de la montre. Ce que le visage incliné à droite dans le premier tableau et le corps qui fait la jonction en croix avec l’animal dans la seconde œuvre montrent bien. Ces deux figurations métaphoriques sont à la fois dynamiques et statiques. Dynamiques parce qu’elles évoquent le mouvement par les différentes saccades qu’elles incombent à notre rétine et statiques, parce qu’elles font penser qu’elles sont attachées à point fixe qui les empêche de tomber pour mieux tourner sur elles-mêmes.

La saisie de cette relation spatiale entre les images et les cadres requiert de laisser le faisceau de notre attention consciente et traditionnelle pour focaliser notre mental sur la surprise visuelle. Regarder pour mieux voir. D’ailleurs, l’écriture “Alexis J.R.” et la date “28/01/20” qui sont placées en dessous et à droite des deux cadres qui sont sans doute, la signature du peintre et la date de la réalisation des œuvres, font penser qu’elles servent de légende aux images ou encore qu’elles nomment les images avec la date de leur naissance ou de leur mort, ou encore celle de Jean Robert Alexis. Cette proposition visuelle n’est autre que la délectation de la vue ou de l’organe de la distance. La pure jouissance esthétique de la vision.

Les œuvres délivrent leur beauté sans le détour d’un concept pour une vraie logique de l’art pour l’art ou d’une vénération des images en ce qu’elles sont. Cette inscription picturale porte à l’évidence la finalité sans fin de l’art. L’objectivité de la vision ou du monde mental dans son état primordial avec des corps qui produit une impression de monstres ou de créatures obscures. Les œuvres s’imposent elles-mêmes pour l’expression sensible de l’imagination. Elles se tournent sur elles-mêmes en pénétrant la profondeur de la vision par l’effet variante de la vue. Dans une  logique perceptive, cette peinture donne “la dialectique du visible et de l’invisible”, dirait Merleau Ponty. L’image ainsi produite touche immédiatement le contemplateur comme s’il s’agissait d’une projection de l’inconscient pour poser la question : c’est quoi ces images? C’est l’empreint de l’étonnement dont certains parlent en observant les œuvres d’Alexis.

Le réel artialisé

Arrêtons le festin de la poésie visuelle pour la démarche réflexive, du jugement dans le sens de voir si ces œuvres peuvent seulement nous procurer de la distraction ou de la jouissance sensorielle. N’ont-elles pas un sens dans la vie de l’homme haïtien? Je pense que même après la contemplation, la réflexion critique peut surgir. Surtout, l’intentionnalité de l’artiste nous permet de sortir du cadre de la représentativité pour saisir son message dans l’interprétation du réel haïtien au regard des approches cognitives. Ces œuvres permettent d’approcher le réel dans leur état d’apparence sur-naturelles. Elles  témoignent les frustrations de Jean Robert Alexis dans cette société chaotique. Tout comme cette société fait du sur-place les œuvres se tournent sur elles-mêmes. Ces tableaux surréalistes permettent d’identifier le mal haïtien. Dans la tourmente, des cris d’urgence, étouffés par la nécessité d’exister.

La stylistique des têtes fait penser à l’œuvre de l’artiste norvégien Edvard Munch, « Le cri », et certaines  iconographies du spiralisme de l’artiste haïtien Frankétienne. Contrairement à l’œuvre d’Edvard M. qui est rugissante, celle d’Alexis est muette, en silence sous le poids de son angoisse qui est à la fois politique et émotionnelle. Jean Robert Alexis essaie de rendre compte de cette réalité haïtienne par la fiction dans une esthétique macabre. Ses images témoignent de ses conflits intérieurs, de ses peurs, de ses lapsus et grâce à l’art il les extériorise. Cette habilité de l’artiste à pouvoir créer des artifices qui reproduisent le réel artistiquement dépend de son imagination dialogique dont il dispose dans ses moyens d’expression pour prendre le recul. C’est pour l’une des raisons Sterlin Ulysse affirme que, “Jean Robert Alexis a une dimension prémonitoire.”

Cette démarche assigne à son art une vocation sociale puisqu’il se fait l’écho sonore de sa société par la magie performative. En ce sens, il entend créer un foyer d’adéquation avec les personnes qui s’y identifient pour dire l’urgence en misant sur la relation du réel et l’artistique. Cette facture expressionniste qui évoque l’émoi avec des têtes humaines et animaux amarrés, des yeux prononcés et la couleur noir et blanc symbolisent la détresse de la population haïtienne. Cette dernière qui est asphyxiée par l’organisation sociale et politique.

C’est le chaos! C’est la ville ou le pays des monstres. La cité des êtres ténébreux ou démoniaques. Sans omettre que la force de cet artiste c’est d’inspirer des êtres mythologiques pour ainsi dire de créer des situations ou des êtres imaginaires que le monde rationnel ne lui fournit pas pour rendre compte du présent. C’est pour cela que Jean Robert Alexis est identifié comme le plasticien qui trahi toujours la sémantique de l’image ordinaire pour proposer des motifs avec des combinaisons inédites qui ne peuvent exister que dans l’art, dans le mental pour ainsi dire dans la fiction… de créer des images non conventionnelles mais évocatrices. Depuis la modernité, les artistes ajoutent toujours de manière hyperbolique des détails dans leurs œuvres dénonciatrices pour mieux faire l’effet escompté…

Notons que comme tant d’autres artistes ses œuvres ne se réclament pas une tendance politique. Elles  évoquent seulement ce que la réalité haïtienne provoque en lui sans prendre partie pour l’opposition ou pour le gouvernement. Il délivre son constat qui est sans doute sa cure artistique qui consiste à lui guérir en créant des œuvres. Une sorte d’exorcisme pour se libérer de ses chimères, de la réalité cauchemardesque haïtienne. L’image ne parle pas mais c’est Jean Robert Alexis qui parle à travers elle, qui l’anime. Elle n’est que le médium, le transmetteur ou comme l’Envoyé dans la prosopopée judaïque.

En somme, aucun art n’existe sans des réalités. Le plasticien Jean Robert Alexis étant séducteur et de distracteur visuel propose un art qui peut argumenter sur le réel haïtien. Le surréalisme et l’expressionnisme s’articulent pour faire état de la société haïtienne. A l’instar de Salvador Dali, il projette sur les toiles des scènes évoquant pour l’observateur des conflits intérieurs, des angoisses, des fantasmes, des traumas ou des rêveries. Alexis affirme son intériorité…ses troubles intérieurs.

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