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L’oiseau du confinement
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L’oiseau du confinement

Par Marie Alice Théard

Les amours s’éparpillent et s’effritent dans les âmes lézardées par cette époque tourmentée de sombres prévisions. Vivant des moments pauvres de tendresse, nous devenons oublieux de la plus belle des saisons, celle où l’on renaît pour comprendre que les illusions sont des réalités à portée de volonté.

Dans la langueur du levé-matin s’étirant en longueur, coule le moment d’incertitude propice à l’alliance du jour et de la nuit. Se cristallisent nos peurs de l’effondrement d’un monde. Y fait échec la comédie humaine du pouvoir. Nous sommes les proies d’un imaginaire destructeur. La raison se disputant les émois du plaisir confus des rêves, il est incongru de parler des amants et du plaisir.

Jusqu’à l’érotisme se mue en cauchemar dans nos manques de repères. Pourtant, amateur de calme et de bonheur, l’oiseau bleu, ce grandala des Indes, faiseur de rêves, vient ici muser dans l’errance d’un détour jouissif. Il s’acoquine à la complicité infinie des tons luxuriants de ce petit matin. Son chant à la poésie courtoise donne du relief aux sapins argentés démantelant le paysage. Il s’y pavane, se soulant des senteurs subtiles de l’herbe mouillée et des fleurs sauvages.

Parfums et fragrances rencontrent la complicité de deux amants en réveil. Loin du monde encombré d’angoisse, leurs corps traversent des marées de tendresse. Ils entament l’etourdissant abordage de la rampe du désir. Dotés d’un insolent talent de communion, ils vivent le privilège d’une relation unique. Leur union est une prière installée dans les agréments des tant de fois ressassés. S’effleurant, s’entrecroisant, se liant, se confondant, ils se lancent goulûment dans la délectation du déjà vécu.

L’oiseau bleu chante. Il vocalise dans le prolongement de l’enchantement de ces amants. Eux sont emportés par le débordement de l’attirance sensuelle. Pas de scrupule de sexe. Lui au verbe si aisé, meuble d’un stupéfiant silence ce moment hors du temps. Coquine, conquise, se volatilise d’elle toute pudeur. Il ne demeure que les magies de l’imaginaire pour lui plaire. Comme chaque fois qu’ils s’aiment, c’est leur première fois.

Mais qui sont ils ces imposteurs de la douleur? Indociles, s’échappant de la mémoire, des souvenirs remontent le temps et se disputent l’entrée de l’inconscient. Accentuant la fulgurance de l’instant, l’oiseau bleu lance son chant. Ce langage inaccessible semble être le trémolo des notes de la portée d’une vie d’avant.

Grandala est l’ami témoin de la merveilleuse et unique sensation de ce retour à la vie. Il est complice de l’embrasement fulgurant du climax de l’instant. Elle, vivant pleinement cette émotion de délivrance. Lui, sortant de l’antre féminin, le corps pantelant d’onctueuse jouissance. Elle murmurant: Mon bel Amant.

Vers d’autres levé-matins, l’oiseau bleu prend son envol dans le vent.

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