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MAITRE GERARD GOURGUE EST MORT A 95 ANS : TOUT UN PAN DE NOTRE HISTOIRE CONTEMPORAINE S’EN VA …
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MAITRE GERARD GOURGUE EST MORT A 95 ANS : TOUT UN PAN DE NOTRE HISTOIRE CONTEMPORAINE S’EN VA …

 

Par Pradel HENRIQUEZ, Ministre.

 

Vendredi 4 décembre 2020, le Ministère de la Culture et de la Communication apprend avec une profonde douleur, la mort de l’illustre professeur Gourgue.

Gérard Gourgue, de son vrai nom, Antoine Joseph Gérard Gourgue, est mort. Mais, il n’est pas parti seul. Il emmène avec lui, tout un pan de notre histoire contemporaine de peuple constamment agité au point de vue social et politique.

De fait, Maitre Gourgue comme on l’appelle couramment chez nous, né le 1er décembre 1925, à Port au Prince, était lui aussi absolument impliqué dans la vie de son peuple qu’il a toujours su défendre au moyen de ses armes d’un esprit bien rodé.

Intellectuel brillant, grand orateur, homme de loi, avocat de carrière, professeur de droit constitutionnel, militant des droits de l’homme, ambassadeur, Ministre de la justice, homme politique, fondateur, propriétaire et Directeur d’école, il a donc formé des milliers de jeunes.

Première démission spectaculaire de la Junte civile militaire qui prend le relais, le 7 février 86, à la chute de Monsieur Jean Claude Duvalier, il sera aussi candidat à la Présidence d’Haiti en 1987, année de la toute première élection post duvaliérienne et par ailleurs, année de l’adoption populaire et massive de notre Constitution.

Dans la foulée du célèbre massacre du 29 novembre 1987, le nom de Gérard Gourgue dont l’électorat était, de toute évidence, ciblé dans cette mésanventure tragique, résonne alors comme le candidat favori de ces joutes électorales ensanglantées.

Aussi, maitre Gérard Gourgue fait le pont magistralement entre la chute de Jean Claude Duvalier du pouvoir, le 7 février 1986 et toute la période actuelle, soit plus ou moins, au cours des 30 dernières années où on le retrouve tantôt membre du Conseil National de Gouvernement (CNG), en février 1986, tantôt président de la république (président symbolique) proclamée par l’opposition à Monsieur Jean Bertrand Aristide, en février 2001.

Sont intronisés au pouvoir, une même matinée, le même jour, la même date, et aux mêmes heures quasiment, Monsieur Gérard Gourgue, Président, et Monsieur Jean Bertrand Aristide, Président. Le premier, au quartier de Pont Morin. Le second, au Palais national.

Avec le temps, il n’y a rien de mieux en effet, pour parler d’un peuple déchiré… Autant, ces déchirements allaient par la suite, s’amplifier durant toute une période, entre février 2001 justement, et février 2004, ou même plus…

Tout compte fait, Gérard Gourgue possède la réputation d’une personnalité farouche qui osa braver le régime fort du Président Jean Claude Duvalier à plusieurs reprises, et notamment, en 1978, il créa La Ligue haitienne des droits humains comme une sorte de réplique aux actions abusives du pouvoir politique qu’il avait à l’oeil.

C’est Maitre Gérard Gourgue, professeur de son état, qui révèle Emile Zola et cet immortel  » J’accuse  » de l’écrivain français du 19è siécle, à notre génération. L’oeuvre de Zola à elle seule, révélée en Haiti, en plein dans les années d’avant 86, est déjà aussi une élégante provocation.

En 1985, avec un bilan de près de 29 ans au pouvoir, l’arbre du régime des Duvalier, père et fils, bascule, on dirait, dans l’horreur. Et Maitre Gourgue, un peu, dans la logique, ou encore, dans la résonnance des propos du Pape Jean Paul II, en mars 1983, et avec la verve qu’on connaît au professeur Gourgue, avec son éloquence impitoyable, sa voix de stentor, inventa la formule suivante qui fait tilt et par là, fit définitivement son entrée dans l’histoire :

 » il faut que le sang arrête de couler…

il faut que le sang cesse…

Il faut fermer la vanne de sang …  »

Pour notre époque actuelle, notre époque d’aujourd’hui, époque libre et démocratique sans concession, cette phrase de Maitre Gourgue, prononcée en 1985, en fin de règne de Jean Claude Duvalier, a posteriori, peut paraitre bien banale. Mais, en ce temps-là, il était purement et simplement interdit de voir le sang et de le dénoncer. D’où la formule d’époque propre à notre poète Anthony Phelps :

 » il est venu le temps de se parler par signe ».

On ne parlait que par signe…

En résumé, on peut affirmer que Maitre Gourgue, pour rester égal à lui seul, peut-être, a frôlé la Présidence à trois (3) reprises, en 1986, en 1987 et en 2001, sans s’y accrocher, sans être accroché, sans y accéder, véritablement, ceci, jusqu’à sa mort survenue ce vendredi 4 décembre 2020. Doté d’un bel âge et d’une vie bien remplie, il aura été sans doute un monument pour son temps.

Le Ministère de la Culture et de la Communication présente ses sympathies à la famille Gourgue, à toute la classe politique et intellectuelle, à celles et à ceux que cette disparition afflige.

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