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Séqu’Elles : Des pourparlers pour rompre le silence
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Séqu’Elles : Des pourparlers pour rompre le silence

Ludnear Diane Augustin (robe jaune) accompagnée de quelques autres membres de Séqu’Elles

Depuis son lancement le 26 janvier 2020, Séqu’Elles, une structure formée par des jeunes universitaires et professionnelles, dynamiques et innovantes, n’a cessé d’impacter la société haïtienne. Emmenée par Ludnear Diane Augustin, Séqu’Elles offre tous les mois des forums de discussion à des femmes victimes de toutes sortes d’abus dans la société haïtienne et qui sont restées trop longtemps enfermées dans le silence. Sibelle Haiti a rencontré la Coordonnatrice Ludnear Diane Augustin qui a bien voulu répondre à ses questions.

Sibelle Haiti : Pourriez-vous présentez pour les lecteurs de Sibelle Haïti la structure Séqu’Elles ?

Ludnear Diane Augustin : Séqu’Elles est une série de causeries mensuelles à travers lesquelles les invitées racontent leurs histoires inspirantes à une assistance diversifiée et constituée de plusieurs dizaines de personnes. Laquelle audience s’agrandit grâce à la diffusion, à travers les réseaux sociaux, des capsules de témoignages en vidéos et sous formes de citation. Dans un pays comme Haïti où la place de la majorité des femmes est encore dans la cuisine, celles qui réussissent professionnellement et qui se frayent une place dans la société constituent des cas isolés. Nous entendons apprendre aux plus jeunes, non plus à se résigner, mais à se battre pour contrecarrer leur destinée.
Séqu’ELLES veut déconstruire les clichés essentiellement liés aux femmes (leur corps, leur sexualité);  déconstruire l’idée selon laquelle une femme qui parle de son vécu serait une hystérique “ mal baisée” ( ne répète pas ce mot 😉); offrir aux plus jeunes (femmes, notamment) des points de repères vers lesquels ils  peuvent se tourner quand surviennent des moments difficiles.

S.H: Qu’est-ce qui vous a incité à mettre sur pied cette association ?

LDA: Séqu’ELLES a passé des années dans les tiroirs avant d’être finalement lancé en janvier 2020. Et l’idée a fécondé- je dirais- à partir d’une histoire personnelle qui n’a pas grande importance mais qui montre quand même qu’une femme peut-être humiliée uniquement pour ses règles (qu’elle n’a pas choisies). La simple idée est devenue un rêve quand j’ai réalisé que la société faisait la misère à un proche, une femme que j’aime beaucoup, parce qu’elle n’a pas encore d’enfants- étant mariée depuis quelques années. C’est comme si on voulait la restreindre à ses capacités reproductrices, ce qui est très injuste à mon avis.

Mais je ne l’ai jamais réalisé parce que- ceci est un prétexte- mes études ne me laissaient pas le temps. Jusqu’à ce que Facebook me fasse découvrir une belle femme qui, ayant fait plusieurs fausses couches, se décide d’écrire un livre sur l’endométriose.

Question d’inspirer d’autres femmes qui se trouveraient dans des situations similaires. Mais où diable a-t-elle trouvé ce courage ? Ça a été le véritable “ déclic “ et c’est là que j’ai compris que je devais me dépêcher pour donner rapidement la parole à de telles héroïnes.

S.H: Depuis votre création qu’est-ce que vous avez déjà réalisé ?

LDA: Séqu’ELLES a déjà réalisé quatre causeries les 26 Janvier,  29 Février, le 19 Avril et le 30 Mai.

Le lancement, qui avait eu comme thème « Tomber enceinte prématurément pour finalement accoucher d’un bébé… mort né. Comment avancer malgré les séquelles?” avec Marcna Andy Pierre a été un franc succès. Plusieurs dizaines de personnes avaient fait le déplacement pour y assister. Séqu’ELLES se veut être un espace réservé aux femmes, néanmoins, la présence masculine brillait de milles feux. La causerie fut très animée et le feedback fut très positif.

La deuxième causerie réalisée à partir du thème: “ Femmes et amputées, quelle conjugaison possible dans le football haïtien » avec Nancy Garnier, Judette Jusme et Marie Sofonie Louis (respectivement joueuses et coach de la Sélection Nationale Féminine des Amputées) fut une séance très émouvante où ces dernières ont partagé leur passion pour le football et leur entière dévotion à ce sport, mais également leurs déboires et les moments difficiles par lesquels elles ont dû passer pour rendre leur rêve tangible, au-delà des discriminations et de leur handicap.

En ce qui concerne la 3ème causerie, Il s’agissait d’une session live sur nos réseaux sociaux en raison de la crise sanitaire actuelle. C’était avec Stéphanie Douyon autour du thème « Trop ronde, trop mince? Jamais assez bien !  Affronter les clichés construits autour de son corps et s’en libérer. Cette causerie a mis en lumière les différents clichés construits autour du corps des femmes, dans une société où on impose à la femme un physique type pour être considéré comme « belle », celles qui ne répondent pas à ces critères sont souvent complexés à cause des remarques des autres. Cette causerie a permis de montrer que quelque soit notre enveloppe corporelle le plus important c’est de se sentir bien dans sa peau. Parmi les centaines de personnes qui nous suivaient en direct, certaines ont pu poser des questions à l’invitée avant de clore la session.

La quatrième causerie était aussi une session live sur nos pages Facebook et Instagram. Le thème du jour tombait bien car c’était la veille du jour où les mamans sont célébrées en Haïti. Durant cette quatrième causerie, nos deux invitées Fodlyne André et Johanne Elima  ont parlé de toutes les épreuves physiques et psychologiques qu’elles ont dû affronter durant et après leur grossesse. Une causerie qui a été réconfortante pour les futures mamans et les jeunes mamans qui connaissent la même situation car elles ont partagé avec le public comment elles ont fait pour surmonter toutes ces épreuves et devenir de jour en jour de meilleures mères possibles.

SH :Comment a été la réaction de votre public ?

LDA : Le lancement a été un franc succès. Plusieurs dizaines de personnes avaient fait le déplacement pour y assister. Séqu’Elles est un espace réservé aux femmes néanmoins lors de la première causerie la présence masculine était tout à fait remarquable. Elle était très animé, nos attentes ont été comblées.

SH :Avez-vous des projets sur le moyen et le long terme ?

LDA : Nous ne réaliserons pour l’instant que des causeries et nous sommes jusqu’ici limités à la zone métropolitaine. Bien que notre audience virtuelle soit un peu plus variée, mais nous ne nous sommes pas encore dirigés vers les villes de province où des super héroïnes opèrent dans l’ombre. Ça nous tient vraiment à cœur d’étendre la thérapie du PARLER POUR SE LIBÉRER partout à travers le pays.

À plus long terme, nous espérons atteindre et inspirer des jeunes filles du monde entier (Une structure dont l’initiateur est burkinabé et dont la majeure partie de l’audience est africaine a déjà parlé de nous mais ce n’est pas encore ça). À ce  moment, nous ne réaliserons probablement pas que des causeries mais souhaiterions offrir aussi des accompagnements psychologiques aux femmes brisées. Mais tout  ça n’est pas pour bientôt, il nous reste encore des étapes à franchir avant d’en arriver là. C’est comme une utopie qui pourrait devenir réalité à force de persévérer.

SH: Cette catégorie de femmes haitiennes que vous donnez la parole sont elles victimes des tabous et des préjugés de notre société ? Et que doit on faire selon vous pour panser leurs blessures?

LDA : Séqu’ELLES donne la parole aux femmes qui ont vécu pas mal de situations difficiles et qui ont réussi à s’en sortir la tête haute. C’est une façon pour nous de montrer l’exemple aux plus jeunes pour qu’elles comprennent que malgré tout ce qu’elles vivent elles pourront elles aussi surmonter tout ça et aller de l’avant.

La plupart des femmes qui ont participé à nos causeries ont été victimes d’une façon ou d’une autre de préjugés dans la société. Que ce soit à cause de leur physique, d’un handicap, ou encore d’une grossesse précoce, chacune d’elles a eu à porter sa propre croix pour réussir dans notre société. Ces séquelles laissées par toutes ces mauvaises expériences ont fait de ces femmes qui elles sont, donc l’idée ce n’est pas de panser ces blessures et faire comme si elles n’existaient pas.
Le but c’est de prendre toutes ces mauvaises expériences et de s’en servir comme source de motivation. C’est justement ce qu’ont fait ces femmes et c’est ça le message que nous voulons délivrer à toutes les femmes.

Sibelle Haiti: Qui sont les membres de Séqu’Elles ?

Ludnear Diane Augustin : Séqu’ELLES est une équipe de 10 membres subdivisés en 3 sous-équipes:
– Équipe de communication: Cleef Arryel Vilmar, Madjina Antoine, Stayana A. Marc-Charles, Bertune Pascale Altidor
– Équipe logistique: Chrisna Aujour, Michelle S. Winie H. Charles, Rucenthcia Jean Louis
– Équipe technique: Danaëlle Dominique, Ashley Jean-Joseph
Et il y’a moi, finalement qui, m’assure de l’harmonie entre ces trois pôles.

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