Par Jean Emmanuel Jacquet
Le sculpteur et artiste de récupération, Karim Bléus, nous revient avec de nouveaux travaux : des sculptures de récupération conçues dans une belle complexité entre le bois, le métal découpé et des matériaux recyclés, tout en poursuivant ses thèmes qui sont chers à sa création : Migration et spiritualité.
Même si le sculpteur a toujours pris sa liberté dans l’ensemble de ses travaux, il demeure néanmoins attaché à des sous-thèmes phares tels que le voyage et la migration, l’enfance et la spiritualité.
Le Sèk Kiltirèl Jaden Samba prépare une exposition autour de ce voyage entre migration et spiritualité à travers les nouvelles œuvres de Karim Bléus. Plus d’une dizaine de pièces devront être exposées dans le cadre de cette exposition autour du thème : Migration et spiritualité.
En effet, l’ancien étudiant de l’ENARTS et enfant de Rivière Froide, Karim Bléus fait également partie d’un groupe d’amis du Sèk Kiltirèl Jaden Samba, de poètes, de peintres, de sculpteurs, de musiciens, qui essayent, depuis plusieurs années, notamment après 2009, de créer une nouvelle esthétique pouvant tenir compte de l’organisation de l’œuvre plastique dans l’espace. Après sa création, l’œuvre doit garder sa valeur dans l’espace. Ainsi, cette esthétique s’articule sur toute une série d’éléments propres à protéger l’œuvre dans l’espace et à faire ressortir tous ses attributs.
On a tort de penser que la rigueur augmente forcément le risque pour l’artiste, non encore confirmé surtout, de survivre, tellement il est voué à une époque où la commande passe pour être un lourd déviant et une large opportunité. Avec un certain effort contre la monotonie et l’ivresse qui risquent d’anéantir les différents langages et les thèmes récurrents propres à l’artiste récupérateur, ce dernier peut se proposer immédiatement une identité qui va au-delà de cette appréhension.
D’ailleurs, comment évoquer 30 ans (1980-2010) de bouillonnement politique et de crises sociales et humanitaires, sans un schéma de figuration, un effort de représentation qui prend en compte l’idéal artistique sans se soucier de la routine à laquelle l’œuvre est souvent exposée ?
L’œuvre de Karim Bléus rappelle encore cette soif ardente de renouvellement, une quête de l’artiste vers l’œuvre authentique, non seulement plastique, mais aussi musicale, littéraire et même une œuvre qui se cherche dans l’ébénisterie, l’architecture, « lançant ainsi le meuble dans le monde de l’inconnu, du non-conventionnel et de l’imaginaire ».
L’œuvre de Karim Bléus participe donc non seulement du contenu de l’œuvre, mais aussi de la représentation de ce contenu, à travers images, bordures, reliefs, formes, couleurs et l’occupation par l’œuvre du cadre spatio-temporel. Que vaut l’œuvre dans le temps et dans l’espace ? Nous sommes peut-être encore à cette époque où « l’esthétisme mourant est remplacé par la naïveté ». Mais est-il d’autant plus vrai que cette naïveté reste post-moderne dans les assortiments et contre l’excessivité ?
L’artiste qui aborde les mouvements quotidiens d’un peuple vers des territoires étrangers ou vice versa, et/ou qui à la fois revisite l’univers spirituel des peuples, son œuvre, dans son champ et son mode d’intervention, ne diffère pas des autres esthétiques, ni dans l’instrumentalisation, ni dans la technique et dans le jeu. L’artiste se dirige vers une démarche minimaliste où ses références symboliques – la migration et la spiritualité – comprises dans un contexte spatio-temporel, contribuent à entériner son œuvre.
Le schéma à considérer dans ce souffle ne prend pas le contre-pied de l’automatisme absolu de l’artiste libéré, remis en cause puis retiré de sa propre liberté. Son talent, comme les incontrôlables péripéties de sa vie, lui donne carrément une nouvelle vitalité. L’œuvre trouve pleinement son mérite, non dans le milieu qui lui est destiné, mais dans un décor et un support – complices de l’œuvre – que l’artiste lui-même aurait définis.
L’œuvre conservera toute sa notoriété en dépit de son exposition aux différents et cruels angles d’appréciation du visiteur. Ainsi que l’artiste soit nomade au sens propre du mot, ou ait un goût forcené pour l’errance, « un faiseur et montreur d’images », qu’il soit – suivant les points de vue du peintre chilien Matta – « d’un milieu strictement bourgeois ou d’un univers de frustrations », il reste non sans peine livré à sa seule cause de création.
L’esprit vodou donc sacré (voyons ici la relation spirituelle qui se développe entre individus d’un même champ d’activités) se développe dans une dynamique de révolte, une sorte d’euphonie qui ne va créer la différence que par une forme d’individualisme artistique.
L’étiquette de surréalisme n’a pas tout résolu et ne peut pas tout résoudre non plus. Sans quoi, il n’y aurait plus du post-moderne. Ici, la complicité Migration/Spiritualité s’articule sur la manière d’organiser et le libellé des formes. L’artiste devient organisateur de ses plans, de son marketing (entend ici la rigueur qu’il se donne contre la vulnérabilité de l’œuvre face aux collectionneurs et à la critique).
Pour Karim Bléus, la chimère qui handicape souvent l’élan artistique passe en premier et ne peut être que le canal indispensable pour la réception de l’œuvre.