Par Stephen B. Alexandre
On est fait pour être habités par des émotions, des folies ou des regrets. Surtout par le souci de vivre autrement, la joie d’habiter nos souvenirs et la magie d’accomplir nos rêves. Loin, très loin d’être un secret. Là, maintenant, comme à d’autres occasions, je tiens à le confirmer. J’ai eu, par inadvertance à retarder un voyage de la ville des Gonaïves vers Port-au-Prince pour me requinquer un peu. Me laisser aller dans une villégiature loin des motards et des plaintes d’une ville que j’aime.
Gonaïves, ce coin de terre qui a vu naître Jacques Stephen Alexis, ne répond pas ou presque plus à ses prouesses et à ses emblèmes… Entretemps en sont encore férus mes amis intellos et artistes venus de Port-au-Prince, de Jacmel ou de Petit-Goâve. Ils doivent avoir d’autres yeux pour dénicher une quelconque raison d’économiser de si chaudes passions. Moi, j’ai voulu la fuir un peu ou l’écarter de mes pensées pour respirer un autre air. J’ai la chance de ne pas profiter seul de ces moments intenses de découverte. Des amis ont été invités à savourer cette folie qui habitera encore longtemps notre imaginaire.
Les résidences de Bois de Bry, c’est plus de deux hectares de terres. Des arbres, un calme inspirant.. Ici, c’est la terre de ceux qui ont l’art du vivre ensemble et la sympathie à mettre en partage. « Les Résidences Bois de Bry » aux Gonaïves est ce lieu qui manquera à ses visiteurs.
On est chez Raoul Altidor, entre la beauté sauvage d’une nature et une rare complicité avec des livres. En ces lieux, tout s’allie pour bercer d’harmonie. On y rencontre penseurs, romanciers, poètes, historiens. Marx, Engels, Lénine, George Corvington, André Malraux, Marc Exavier, (etc), tous présents, bien vivants à deux pas de Raoul Altidor, homme sympathique et écrivain. Cet homme à l’air taciturne est pourtant un nom qui s’accrochait au mouvement de la Gauche entrepris dans les années 80 par une pléiade de jeunes Haïtiens. Absorbé par une grande volonté de se battre pour une société égalitaire, il a pris une part active au mouvement syndical en Haïti avant de s’installer aux États-Unis où il continuait de faire valoir son idéal du grand refus devant les inégalités et l’injustice sociale.
On a découvert tant d’histoires, des noms et des fragments d’aventures sans oublier sa dimension d’universitaire. Son ouvrage intitulé Haïti and the American Military Occupation (1915-1934) paru cette année chez CIDIHCA au Canada, restera la preuve d’une compétence qui devra servir encore à notre intelligentsia.
La bonne part des Résidences Bois De Bry, situées sur la route de Labranle à Dubedou est aujourd’hui la nôtre. La vôtre aussi. Mais surtout celle de Raoul Altidor, cet homme de grande culture qui s’ouvre aux bonnes compagnies.
Légende : Raoul Altidor, propriétaire des Résidences de Bois de Bry./Photo : Coutecheves L. Aupont