Par Walner Olivier
«Astéroïdes Fulgurants, pandémonium radieux», recueil paru aux Éditions du Pont de L’Europe en 2018, est une anthologie personnelle traversée d’une grande polyphonie. Verbes astéroïdes, astéroïdes verbaux, glissent de strophe en strophe sous la pesanteur de l’énergie poétique.
Cette poésie plein de phosphorescence de puissance du verbe, dans sa mise en forme, relie d’autres genres. Fonction émotive, mise en scène, tous pour dire le monde avec ses impairs, et de créer un monde. Raynaldo dans ses écrits retrouve Rémy Goumond disant, dans promenades littéraires, « la poésie réunit plus un genre. Il n’y a qu’un genre en littérature : le poème. Ce qui n’est pas poésie n’est rien du tout».
Le poète rencontre Clément Magloire Sainte Aude et donne la main au poète énigmatique haïtien. Irrécupérable dans ses écrits, le poète Raynaldo crée une intertextualité dans sa poésie en saluant Sainte Aude, un enragé du langage. Le dialogue de leurs lampes revient pour éclairer les esprits, tout être souffrant de toute myopie.
« Le dialogue de mes lampes à cette heure attiédie
Réveillera Sainte Aude dans l’invisible.
Eveil de spiritualité
Dans l’infini des yeux qui scrutent les ombres
Sous l’égide du regard
Le bleu de la lampe s’étiole
La carte sur la table exiguë
Et…, que vois-je au-dessous ?
Rien que les myriades d’énigmes
En alternance dans les mystères du verbe
Qui se meuvent en catimini. »
Chaos, expectoration, tous des faits que le poète dénonce en cette existence sociale. Une existence attaquée de front implique sa position engagée par sa posture. La poésie est son arme silencieuse plein de pragmaticité sur le lecteur. Le discours poétique étend les faits :
« Ma vie est crachat, éclaboussure, tourbillons, tourbillons mêlées d’azur..
Tout est possible sur les rivages de l’encre par la voix/de voie de l’imaginaire.
Je fais de cette parole une place publique, pour pisser au visage de l’homme.
Cette parole, oui cette parole, je la dédie à la chienne qui m’aboie.
ô précieux tapis de mon âme, où bourdonnent régiments de mouches. Ma mémoire est une savane boueuse, où les chevaux marchent à grands pas…
p.31. »
La rythmique des poèmes est fleurie de symphonie vocalique dans les vers. Images créées dans ce texte affichent une beauté qui se dit par la rhétorique figurale du poète. Le génie syntaxique, sujet-verbe-objet de la langue de Molière, par l’acte de l’écriture du poète, reconnait l’existence d’un autre ego inventé. Des figures du texte infra en justifieront, comme l’oxymore, personnification dans un rapport de binarisme nominale ou ternaire. Ce qui est notable en produisant le texte, l’affranchissement de l’interdit, l’imprévisible devient visible. Le poète énonce :
« Ecritures-ratures
Ratures lisibles
Folies rationnelles
La mort dans mon vert
Mon souffle brandit
La terreur respire à forte haleine
La peur a peur d’elle-même
Mystères scelles dans le vent
Arcanes énigme et labyrinthe
Ariane ou est tu ?
L’univers voyage à contre-sens. »
Le style comme composante poétique par une sémantique connotative révèle un lyrisme ludique. Un je en opposition à un monde de douleur. Pleur/étoile, éclair/ombre se mêlent pour créer un poème décrivant le monde paradoxale d’aujourd’hui. Par symbolisme, antonymie trans-/intra-versificatrice, le poète dessine une vie faite de contrastes. On invoque la poésie comme ce qui peut nous libérer de ce monde vide de bonheur, avec un espoir accablant, effarant.
« Mon poème est le poème d’un homme qui joue avec son ombre dans le mitan d’un ciel étoilé. Étoiles blanches rieuses pleureuses ankylosées dans un ciel de plaie.
Cahiers de ratures
d’énigmes
d’ombres
d’éclaires
de lampes mystérieuses
récalcitrantes
Lignes glauques en catimini
pâle peinture caillée dans mes yeux
Je prolonge
les fulgurances des songes
revigore les voix/voies du vide
dans la gorge enflammée du poème. »
Avec le poète, il semble que le lecteur peut arriver à la palpabilité des signes linguistiques retravaillés quoique dans une virtualité. Comme dit Emile Benveniste, « Vive le langage. Tout est là : dans un langage assumé et vécu comme expérience humaine, rien n’a plus le même sens que dans un langage formel » Approchons-nous du langage afin de comprendre le monde et vivre le monde, car il est le prisme à travers lequel l’on peut voir la réalité.