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L’âme véritable d’Haïti
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L’âme véritable d’Haïti

Par Mérès Weche

Lorsque Georges Anglade avait publié son livre « L’espace haïtien », je reconnaissais qu’il a été bien plus loin que Paul Moral, par son approche scientifique de la réalité physique de notre pays, aussi bien que de la paysannerie, prise comme entité mesurable démographiquement. N’en déplaise à des géographes comme lui qui peuvent avoir des idées contraires aux miennes. Cependant, à la publication de son «Éloge de la pauvreté », présenté au Café Thélème à Montréal, au cours des années 80, je n’étais pas de ceux qui l’acclamaient, et il m’arrivait même de critiquer ouvertement son « Mouvman Ayisyen Solidarite-MAS » qui ne me semblait pas coller à la vraie réalité populaire haïtienne.

Généralement, dans les colloques à l’UQAM, je trouvais qu’on singeait exagérément la paysannerie haïtienne, par le port du gros-bleu et du carabela, pour signifier une quelconque idéologie de gauche, alors que ces panélistes planaient, la plupart du temps, dans les nuages, et qu’en se dévêtant plus tard, ils perdaient jusque le sens de la parole portée la veille. Ils étaient tous, ou presque, des professeurs d’universités, retraités ou en poste, infatués de leurs capacités intellectuelles. Portés, pour la plupart, au pouvoir en Haiti, ou se retrouvant dans les coulisses gouvernementales, ils devenaient des amnésiques de la cause prolétarienne et paysanne antérieurement soutenue.

En revenant quelques années plus tard sur «Éloge de la pauvreté » de Georges Anglade, j’ai compris toutefois qu’il parlait des capacités endogènes de développement propres à notre société qui ne devrait pas rester collée aux modèles du passé qui lui ont été imposés et qui ne sont même plus de mise chez les maitres à penser de l’ordre ancien. Si je dis, aujourd’hui, après Georges Anglade, mais de manière plutôt phénoménologique – je pense ainsi Merleau Ponty -, qu’Haïti brille de richesse dans sa pauvreté, ce n’est point une figure de style. Encore moins un style de figure que je lui cherche pour démentir ces caricaturistes de la presse internationale qui le regardent dans un miroir déformant.

La vraie image d’Haïti est intérieure; elle est dans le sourire franc d’un enfant qu’on donne en adoption, qui a connu une vie meilleure sous d’autres cieux et qui, rendu à l’âge adulte, part à la recherche de ses « véritables » parents. C’est une vérité patente aujourd’hui, qui renvoie à l’Action Familiale des années 50 où l’enfance était prise en charge au pays, en dépit des disparités sociales qu’on connait.

Les statistiques les plus fiables d’aujourd’hui évaluent la population enfantine haïtienne, de 0 à 14 ans, à 33,39 pour cent, et le taux de mortalité à 47,98 pour cent, alors que le pays, dans son ensemble, compte 55 pour cent de Jeunes dont l’espérance de vie se limite à 64 ans. À l’heure actuelle, même les plus « favorisés » des milieux défavorisés n’atteignent pas la trentaine, pour toutes sortes de raisons liées à leurs conditions de vie.

Cette enfance dont je parle échappe à la rhétorique de nombre de ceux-là et celles-là qui sont subventionnés par l’Unicef et l’Unesco pour des projets-bidon. Plusieurs d’entre-eux n’ont rien à voir avec les milieux marginalisés des grandes villes, encore moins avec les zones les plus reculées de la paysannerie.

J’ai beaucoup aimé cette thèse de Nanie Piou ։ « Cent mille filles pour gouverner la rosée ». Thèse d’il y a vingt-ans, si ce n’est plus, qui n’a jamais débouché sur un projet national. Dans quelle « voie » engager le pays pour qu’enfin une « voix » s’élève en faveur de la jeunesse désaxée de la nation ɂ Rien ne sert de dénoncer en s’opposant si on n’est pas prêt à changer en proposant.

Il est grand temps que finisse la danse macabre de la chaise musicale au palais national et que soit fixé un terme aux systèmes anciens de corruption institutionnelle. Ils sont nombreux, les systèmes, pour être à la fois nationaux et internationaux. Le pouvoir, aussi bien que certains secteurs de l’opposition comptent sur le Blanc pour placer le mot du « droit national ». Nous avons pourtant, comme le veut Montesquieu dans « L’Esprit des Lois », des schèmes de comportement culturels qui nous sont propres et qui sont capables de nous inspirer de mille manières, pour ne plus singer l’étranger « constitutionnellement » et permettre au pays de prendre son cap comme il se doit.

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