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Tu es parti, Eddy, bonne route, pèlerinǃ
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Tu es parti, Eddy, bonne route, pèlerinǃ

Par Mérès Weche

On est en 1971, Eddy-Arnold Jean publie une œuvre critique qui fait sensation ։ Carl Brouard, cet immortel. Je lui remets une réflexion écrite sur cette plaquette, qu’il se dépêche d’apporter à Dieudonné Fardin pour publication immédiate dans Le Petit-Samedi Soir, la Revue de l’actualité culturelle haïtienne. Tout jeune de l’époque, épris de littérature, rêvait d’intégrer ce cénacle de Fontamara.

Paru au cours du même week-end, dans la rubrique Critique littéraire, mon petit papier sur cette publication d’Eddy fut suivi d’une plus ou moins longue appréciation de cette œuvre de Jean-Claude Fignolé ։ Etzer Vilaire, ce méconnu. Deux cartes de visite pour mon entrée parmi les grands, dont Franck Étienne, Raymond Philoctète, Émile Célestin Mégie, et bien sûr Dieudonné Fardin, lequel a toujours eu beaucoup d’estime pour moi, grâce à Eddy-Arnold Jean qui, pourtant, ne faisait pas partie du Petit-Samedi Soir. Je peux dire, sans risque de le détourner de son chemin, que je figurais dans le cercle restreint de ses amis , pour avoir toujours été reçu dans l’intimité de son foyer, que ce soit à New York, à Ottawa, à Canapé-Vert, comme à Pétion-Ville.

Professeurs, tous deux, dans les mêmes écoles, enseignant les deux littératures dans le curriculum du Secondaire en Haïti, Eddy-Arnold Jean va toujours faire appel à moi pour le seconder ou le remplacer, le cas échéant. La dernière recommandation de ce genre remonte à 2006, quand il me présenta à Edwidge Kernisant, pour être professeur de littérature et de philosophie au Collège St-Ignace, à Pétion-Ville. Ce fut pour moi une expérience unique de lier connaissance avec cet homme d’une jovialité inouïe qu’est Doudouge.

Oeuvre majeure du Dr. Eddy Arnold Jean

Le brusque départ d’Eddy, que j’ai su en suivant un débat sur lui à Radio Caraïbes, coïncide avec celui, survenu à Montréal cette semaine, d’un autre inconditionnel de Doudouge, il s’agit bien de Leslie Bellevue, bon vivant comme eux deux. Gary Augustin, l’autre compère, est parti bien longtemps avant eux. Il en est de même de Janco Parisien, une rare « Plume » qu’Eddy vénérait comme un dieu. Je me garde de révéler ces gens qu’il n’aimait pas et qu’il dénigrait avec sa plume trempée dans du vitriol. On n’était pas toujours d’accord sur cet angle-là. Ce qu’il avait en horreur, néanmoins, c’est l’accroc à la parole donnée. Entre lui et moi, on se pardonnait pourtant certaines bévues, comme cette mine renfrognée que je lui ai affichée, à son retour de voyage, pour m’avoir fait travailler à sa place, une veille de Noël, chez Awountino et chez Maître Jean, sans m’avertir qu’il avait déjà été payé. N’était ma performance, et surtout, il faut le dire, et c’est rare aujourd’hui, la compréhension de Petit-Celin, j’aurais connu un Noël « blanch », avant ceux vécus plus tard au Canada, en pleine tempête de neige. Cependant, l’argent ne pouvait pas nous désunir, et nous sommes restés de vrais amis, dans les bons comme dans les mauvais moments. D ailleurs, Eddy était incapable de nuisance amicale.

Je dois à Eddy des pages d’histoires en rapport avec le journalisme et la production littéraire en général. C’est lui qui m’a fait découvrir Jan Patocka, ainsi que Magazine littéraire et l’école de Francfort. Il me répétait souvent ։ « C’est le Grand Séminaire qui t’a sauvé, car les diplômes canadiens ne valent rien ». Encore un point de désaccord entre nous, mais les amis d’Eddy lui pardonnent tout. Même ses erreurs les plus fatales. Il est mort de sa belle mort, et c’est là tout mon réconfort.

Eddy avait toujours voulu que je reprenne avec lui les rennes du journal Haïti-Demain, que je représentais au Canada, dans les années 80. Je n’ai jamais pu réintégrer cette publication à sa reprise en Haïti après 1986, et jusqu’à aujourd’hui. Pour des raisons indépendantes de ma volonté.

Eddy était un fou d’amour et d’écriture, un animal « érotique et littéraire », s’il faut reprendre une expression très à la mode pour désigner l’ardeur à la tache; des défauts de la cuirasse que nous partagions tous deux sans réserve. Il voulait faire d’Argentine, son âme damnée des années 2000, une vraie poétesse, et il élevait Mama, sa présente compagne éplorée, à la dimension d’une égérie, c’est-à-dire une inspiratrice irremplaçable.

Que l’âme d’Eddy repose en paix, et que Mama, sa compagne des derniers jours, soit forte dans une telle épreuve ǃ

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