Par Jean Emmanuel Jacquet
L’économiste Etzer Émile a été, le samedi 8 février 2020, l’invité de Jaden Sanba, dans le cadre de son traditionnel rendez-vous, Jaden Pawòl. L’économiste qui est intervenu sur la rentabilité du carnaval national en Haïti, a analysé plusieurs causes empêchant à l’événement d’être un produit commercial touristique de grande qualité.
Plaçant le carnaval dans une trilogie de concepts : culture, tourisme et loisirs, Etzer Émile a revisité plusieurs paramètres de l’évènement en matière touristique. Le tourisme étant un sous-secteur de l’économie, comment est-ce que le carnaval pourra contribuer au développement économique en Haïti, dans ces conditions archaïques d’organisation?
Le carnaval, selon l’économiste, devrait être un atout majeur dans le cadre de ce développement. C’est un déterminant important de l’économie, puisqu’il peut mobiliser des touristes et créer des emplois. Le carnaval, comme attraction étrangère, propose selon lui, des effets d’entraînement en matière d’économie, parce que c’est l’occasion pour l’Etat et les organisateurs du secteur privé, de créer des emplois et de la richesse, notamment à travers la grande mobilisation des différents acteurs dans les domaines du transport, de l’aménagement, de l’hôtellerie et de la construction.
L’économiste et professeur Etzer Émile a pris, pour illustrer son propos, divers exemples : le Brésil d’abord à travers son carnaval de Rio, Trinidad et son carnaval national rapportant au pays plus de 200 millions de dollars par année. Mais, il a surtout misé sur le dynamisme du Brésil en matière d’organisation d’événements importants, la Coupe du monde par exemple, et qui, malgré tout, a assisté à certaines chutes importantes dans son économie, à cause notamment d’investissements improductifs non soldés sur la rentabilité économique et financière, et des problèmes liés à la corruption. Le professeur a aussi pris d’autres exemples dans le même sens, comme la Grèce après les jeux olympiques.
Le tourisme équivaut à une exportation de services, selon le professeur qui a voulu montrer que malgré la mobilisation de touristes par notre carnaval, ce dernier ne rapporte pas grand chose à notre économie nationale, à cause de plusieurs éléments, notamment la mauvaise organisation de l’évènement.
Le grand défi, le problème réel du carnaval haïtien, est, selon Etzer Émile, la non-définition du produit commercial touristique, de façon à le vendre aux festivaliers. Ainsi, il a invité les acteurs à se poser ensemble la question: comment définir un produit intéressant capable d’attirer des clients ?
Aujourd’hui, avance-t-il, on parle moins de tourisme de masse et plus de tourisme d’événements. Il n’y a pas donc, selon lui, de produit touristique dans notre carnaval, mais une affaire de gros sons des chars. Le carnaval n’est pas réellement un produit touristique avec un modèle de plan d’affaires pouvant le définir et impliquant la communication, le ciblage, … Ce n’est rien que du tâtonnement, du ponctuel, a-t-il ajouté.
Pour clore son propos, l’économiste Etzer Émile a évoqué le fameux problème de politique culturelle en Haïti, à côté d’autres comme celui de l’insécurité,…
Les intervenants au cours de la séance de questions, ont plutôt, sans pourtant nier le sens des approches économiques d’Etzer Émile, mis l’emphase sur les aspects anthropologiques du carnaval, et la question de l’histoire, qui sont anticonformistes à l’économie dite d’extraction ou de marché sur laquelle le professeur s’est appuyé. Un débat riche, animé, qui a aussi permis à l’économiste d’élaborer, de défendre ses positions et de reviser certaines approches.