Par Mérès Weche
Le poteau totem amérindien, qui pouvait atteindre plusieurs mètres de hauteur en Amérique du Nord, fut dans toute la côte nord-ouest de ce continent, le symbole ou l’arbre généalogique d´une famille. Chaque totem représentait un animal, du plus petit au plus grand, du plus faible au plus fort, et c’était visuellement le signe d’un groupe et son identité. Il en était de même en Afrique noire, longtemps avant la traite et la colonisation.
Ayant le sens de “blason familial“, chaque animal représenté, de l´humble papillon, au grand bison ou l’éléphant, le totem possédait pour lesdites familles des pouvoirs qui pouvaient être transmis aux hommes, de générations en générations. En ce sens, ils servaient d’intermédiaires entre la transcendance et l´immanence, c’est-à-dire entre les dieux et les humains.
Tous les sentiments éprouvés par l´homme y étaient exprimés sous forme d’animauxː l’abeille pour la fête ; l’aigle pour la sagesse, le courage, l’autorité et le pouvoir ; la baleine pour le respect et la longue vie ; le bélier pour la réussite ; la biche pour la douceur ; le cheval pour l’énergie, et ainsi de suite, jusqu’au chien pour la fidélité dans l’amitié.
L’emblème américain, l’aigle, est une inspiration totémique. Il y allait ainsi, jusqu’à la vache, représentant la générosité, par le don gratuit de son lait, sans omettre le sanglier, signifiant l’esprit guerrier, et son opposé, le phoque, symbole de la paix et de l’amour.
Avec le génocide des Premières Nations en Amérique, par l´arme de la sacro-sainte “civilisation“, les totems avaient trouvé la mort, mais les animaux qu’ils représentaient ont survécu, en dépit de cette farouche dictature sur leur mondeː la nature verte, non polluée.
Depuis ces dernières décennies, des appels de protection à leur endroit sont lancés par des pacifistes, dits “amis de la nature“, tels queː Groupes véganes et végétariens ; Organisations de défense des animaux ; Fondation Assistance aux animaux, et bien d’autres regroupements, y compris des spirites et scientistes dont les croyances sont fondées sur le culte de l’Esprit où qu’il soit incarné.
Aujourd’hui, en 2020, au tribunal de l´histoire où la “civilisation“ est appelée à la barre d’accusation, ce sont les animaux qui sont mis en cause et non elle ; l’on crie sur euxː“ Houanǃ Houanǃ Aho sur le baudetǃ “, au risque de troubler Jean De La Fontaine dans son sommeil tombal. Ce dernier pourrait, dans le meilleur des cas, s’adjoindre Émile Zola, l’un plaçant le mot de la morale politique – s´il en est -, l’autre, pointant du doigt les vrais coupables, en criantː “ J’accuse ǃ “.
En 2006, en Haïti, j’avais créé, et cela pendant quatre ans, quelques totems qui furent exposés à Moulins-sur-Mer, dans le cadre d´une retraite agro-artisanale. Ces œuvres d’art d’un nouveau genre au pays, qui avaient bénéficié d´une aide financière de la FOKAL, furent détruites dans leur lieu d’exécution, la SODEC, par le séisme du 12 janvier 2010 ; un désastre, d’ordre naturel ou pas Ɂ…
Une décennie après, c’est-à-dire en 2020, ces totems se réveillent, et au nom de tous les totems amérindiens et africains, ils s’inscrivent en faux contre l’imposture des puissants de ce monde. Avec la loi du confinement obligatoire qui leur est imposée par le coronavirus, les animaux regardent, étonnés et “humainement“, à travers la fenêtre de la vaste nature, les humains enfermés comme des singes dans des zoos. Ils tiennent conseil et disentː “ Nous ne voulons pas leur mort, car c’est inhumain, mais applaudissons quand même le retour des totems ; ce n’est que justice faite à la nature et à nos âmes.