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Il était une fois le 18 mai
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Il était une fois le 18 mai

Par Mérès Weche

Le confinement dû au covid-19 n’était pas encore né qu’Haïti avait connu, il y a deux ans, celui du covid-18, car la fière commémoration de la création du drapeau national, par l’illustre Jean-Jacques Dessalines, n’était plus dans le vent comme autrefois. Donc, du confinement avant la lettre ; genre de jurisprudence bâtarde qui nous est coutumière. Jusqu’à aujourd’hui, cette manifestation de fierté se retrouve enfermée, coincée, brimée, contaminée par le virus de nos égoïsmes, et par l’étroitesse d’esprit de nos dirigeants. Pareille à ces autres dates marquant les prouesses et le souvenir de nos héros de l’indépendance nationale, telles que le 1er Janvier, le 7 avril, le 17 octobre, le 18 novembre, toutes étant devenues obsolètes, cette date charnière de notre glorieuse histoire nationale qu’est le 18 mai, l’est davantage. Aujourd’hui, qu’est-ce qui reste de la Dessalinienne, cette sublime chanson qui résonnait dans notre sport national, dans notre artisanat, dans nos cœurs d’hommes, de femmes et d’enfants des deux sexes, à travers toute l’étendue du territoire national Ɂ

Aujourd’hui, nos incohérences, nos intransigeances, nos murs d’indifférence font pleurer ce drapeau, dont les plis se durcissent, coulés comme ils sont, dans du béton ; ses frissons dans le vent n’indiquent plus que “ l’onde est transparente, ainsi qu’aux plus beaux jours “, pour que des idées de grandeur se reflètent librement sur nos fronts d’hommes et de femmes amoureux de leur emblème national.

Pourtant, pendant tout le XIXe siècle, et cela jusqu’à la première moitié du XXe, des poètes ont exprimé leurs sentiments vis-à-vis de ce symbole de liberté et d’indépendance qu’est notre bicolore national. Ce fut en des accents pleins d’émotion qu’un Oswald Durand écrivit son célèbre “Chant national“ dont on peut en voir ci-dessous le premier couplet et le refrainː

Quand nos aïeux brisèrent leurs entraves
Ce n’était pas pour se croiser les bras
Pour travailler en maîtres, les esclaves
Ont embrassé, corps à corps, le trépas
Leur sang, à flots, engraissa nos collines.
À notre tour, Jaunes et Noirs, allons ǃ
Creusons le sol légué par Dessalines:
Notre fortune est là, dans nos vallons.

Refrain

L´Indépendance est éphémère
Sans le droit à l’égalité ǃ
Pour fouler, heureux, cette terre,
Il nous faut la devise austèreː
Dieu ǃ Le Travail ǃ La Liberté ǃ “ Oswald Durand-extrait.

Plus près de nous, sur le drapeau et son haut lieu de créationː l’ Archaïe, le poète Luc Grimard, que nous avons vu saluer l’intelligence hors normes de Maurice Sixto, nous a aussi laissés de très beaux vers sur cette apothéose nationaleː

L´Ȋle ne voulait plus porter chaînes et jougs ǃ
Saint-Domingue entendait vivre et vivre à son aise
Et les tiers héritiers du prisonnier de Joux,
S’étaient lancés dans la fournaise.
On se battait depuis Octobre ; et Mai
Aux ouragans de feu de la lutte âpre et dure,
Mêlait les rossignols du pays bien-aimé,
Vocalisant dans la verdure.
……………………………………….
Il dit un nom rempli de frissons printaniers
Un nom d’exil, un nom de faim, mais de victoire
Le nom des premiers vents parmi les bananiers,
Le nom de l’orgueil péremptoire,
Un nom qui va bondir dans l’Histoire future…
Il avait dit le nom sacré de Louvertureː
Et le drapeau se mit à flotter aussitôt…
Luc Grimard-extrait.

Cette “histoire future“ dont parlait Luc Grimard, dans ce poème, c’est celle que nos dirigeants écrivent très mal aujourd’hui. De nos jours, il y a, chez nous, des Maximes qui n’ont plus de sens. Si l’histoire demeure “ un perpétuel recommencement“, nous devrions être capables de rééditer la nôtre, si belle et si édifiante.

 

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