Le Lambi night club : un nom qui en dit long
9 août 1969 – 9 août 2010
Le Lambi night club fait partie de la longue liste d’institutions qui ont payé un lourd tribut à l’occasion du meurtrier tremblement de terre du 12 janvier 2010. Plus de six mois après, il porte encore les stigmates de ce drame collectif.
Cet établissement de loisir vieux de plus d’une quarantaine d’années, est présenté comme l’un des doyens des clubs ayant contribué à la promotion de la musique dansante haïtienne. Situé sur la route de Gressier sur la nationale numéro 2 à hauteur de Mariani, Le Lambi night club a vu en effet défiler sur son podium, de générations en générations, les plus gros cylindrés du Compas direct. De Rodrigue Milien, Toto Nécessité en passant par Coupé Cloué, Skah Shah, DP Express, System band jusqu’aux groupes musicaux dits de la nouvelle génération comme Djakout mizik, T-Vice et Kreyol la, tous y vécurent leur moment de gloire. L’ensemble select du Roi Coupé, à un certain moment, y installa son quartier général. C’est d’ailleurs cet orchestre qui réalisa le premier grand bal du club à l’occasion du carnaval de 1970.
Suite au passage du séisme, une bonne partie du restaurant du club, entièrement construite sur la mer, a été effondrée. Bien que les bâtiments abritant l’hôtel et le motel avaient pu résister au choc initial et aux diverses répliques qui s’en suivirent, quelques fissures sont quand même perceptibles sur certains pans de mur de la structure. Le propriétaire des lieux, Yves Chéry, se réjoui que cet édifice qu’il a lui-même construit et décoré ait pu rester debout en dépit de son grand âge.
« Le spécialiste que nous avons nous-mêmes engagé pour expertiser les locaux nous a assuré qu’il y avait plus de peur que de mal et que nous pouvons entamer des travaux de réhabilitation », a fait savoir M. Chéry, qui en outre en a profité pour critiquer l’attitude désobligeante des autorités de l’Etat qui jusqu’ici n’ont rien entrepris pour venir en aide à son institution dont les bienfaits à la communauté, selon lui, ne sont plus à démontrer. « Il y a plus de quatre mois, a-t-il poursuivi, depuis que le Ministère du Tourisme nous avait fait parvenir une correspondance nous demandant de faire l’évaluation des dégâts occasionnés par le tremblement de terre. Ce que nous avons fait avec diligence. Depuis, aucune suite n’a été accordée à cette démarche »
Yves Chéry se rappelle encore des dix ans de franchise accordés au début des années ’70 aux propriétaires de guest house par le régime des Duvalier. Cette mesure visait, dit-il, à encourager le secteur de l’hôtellerie au moment où Haïti recevait de plus en plus d’étrangers à l’occasion de la campagne de qualification pour la Coupe du Monde 1974. « De telles dispositions pourraient être envisagées dans le contexte actuel », a-t-il estimé.
A l’occasion de la célébration du 41ème anniversaire de l’établissement le 9 août, le propriétaire de Le Lambi night club a fait savoir qu’il a fini par compter entièrement sur ses propres moyens pour remettre en marche dans environ deux mois la totalité des services offerts par son club. « Actuellement, nous réalisons des travaux de réparation visant à consolider le bâtiment logeant l’hôtel, mais pas une seule fois nous avons reçu la visite d’un quelconque représentant de l’Etat », regrette Yves Chéry précisant toutefois à l’attention de sa clientèle que la plage et le motel de l’établissement sont déjà rendus fonctionnels. « Je ferai en sorte à ce que la décoration des chambres de l’hôtel puissent faire oublier aux clients qu’ils se trouvent sous le béton. Nous avons toujours mis l’accent sur les produits artisanaux dans notre système de décoration, c’est ce que nous allons continuer à faire »
En ce moment de l’année où les formations musicales évoluant dans la diaspora reviennent au bercail, l’incapacité de Le Lambi night club à accueillir pour l’instant des prestations pèse lourd dans le milieu du showbiz haïtien dans la mesure où cet espace reçoit traditionnellement les meilleures affiches de la région métropolitaine à pareille époque.
Le Lambi night club représente incontestablement une référence dans le secteur du divertissement en Haïti et mérite par conséquent une meilleure attention et surtout un autre regard de la part du public en général et des autorités culturelles en particulier pour que ce club phare puisse continuer à faire la fierté de la population gressieroise et l’admiration des visiteurs tant locaux qu’étrangers. Il faut certainement plus que de la discipline pour parvenir à faire fonctionner sans interruption une telle institution pendant plus de quatre décennies dans les conditions extrêmes qui sont les nôtres en Haïti. « Aujourd’hui, j’ai 74 ans. Je n’ai plus la force pour maintenir le cap. L’établissement est désormais dirigé par mes deux fils Jacques et Yrvens. C’est à eux qu’il incombe de travailler pour pérenniser mon œuvre », a souhaité Yves Chéry.
Septembre 2010
Rodson SAINT-HILAIRE