La grande réputation dont jouit le département du Nord en matière de tourisme est sans conteste liée à la richesse historique de la ville de Milot, l’une de ses dix-neuf (19) communes, située à dix-huit (18) kilomètres du Cap-Haïtien. Milot, en plus d’avoir été un témoin privilégié de la lutte acharnée des esclaves de Saint-Domingue cherchant à s’affranchir de l’étau esclavagiste, eut l’heureuse opportunité d’abriter les deux principaux chefs d’œuvre architecturaux de l’ère christophienne, en l’occurrence la Citadelle Laferrière et le Palais Sans Souci, le siège officiel de son gouvernement et de son bureau personnel. Il va de soi donc que des flots de touristes, locaux et étrangers, se bousculent régulièrement dans cette petite ville d’environ 30,000 habitants pour découvrir les vestiges de ces monuments, placés au rang de Patrimoine Mondial, qui symbolisèrent la vision novatrice du Roi bâtisseur. On raconte qu’il a même voulu concurrencer Versailles de France en mettant le paquet pour aboutir à la construction du Palais Sans Souci dont les travaux ont pris fin en 1814.
Le palais Sans Souci s’installe en plein cœur de Milot
Construit en l’honneur de l’épouse du Roi, Marie-Louise Coidavid, le Palais Sans Souci n’a malheureusement pas survécu à l’usure du temps. Aujourd’hui, seuls quelques pans de murs et la grande clôture de sa façade Sud subsistent pour le bonheur des yeux des visiteurs. Des travaux de réhabilitation ont été réalisés à l’initiative de l’Institut de Sauvegarde du Patrimoine National (ISPAN) et du Ministère de la Culture et de la Communication pour tenter d’empêcher qu’il ne se détériore davantage. Ceci n’empêche toutefois en rien que ce site reste et demeure une grande curiosité pour les nombreux touristes qui le fréquentent. Les emplacements de la piscine de la Reine, du Bureau privé du Roi Henri 1er, de la cour principale où la Garde royale défilait à l’occasion des grandes cérémonies officielles, constituent de véritables lieux de pèlerinage pour les visiteurs qui découvrent avec beaucoup d’étonnement et admiration le haut degré d’esthétique qui caractérisait les œuvres du Monarque. Si les deux sculptures de lion en bronze qui se trouvaient sur les murailles du Palais de Justice de Port-au-Prince n’avaient pas été arbitrairement arrachées de la clôture du Palais Sans Souci, celui-ci aurait sans doute un atout en plus pour épater ses visiteurs. La statue en marbre réalisée à l’effigie de la Reine demeure en outre presque intact du coté Est du Palais et pérennise l’image de cette grande dame qui, à sa façon, a également façonné l’histoire de notre pays et qui s’est pratiquement volatilisée depuis la mort de son mari le Roi. Certains laissent croire qu’elle se serait rendue dans son pays d’origine, l’Italie.
La Citadelle Laferrière : La cerise sur le gâteau
En escaladant la montagne donnant accès à la Citadelle Laferrière, dans la zone du Bonnet-à-l’Evêque, l’une des trois sections communales de Milot, le visiteur est déjà impressionné par la stature de cette imposante construction, placée dans une position stratégique dominant à la fois le Cap-Haïtien en passant par les régions avoisinantes jusqu’à la mer des caraïbes. Le Roi Henri Christophe avait ainsi pris toutes les dispositions pour prévenir toute éventuelle attaque d’une quelconque armée expéditionnaire étrangère. On raconte que ce fort possédait à l’époque la plus importante artillerie disponible dans toute la région. Des dizaines de canons pointant dans plusieurs directions et des milliers de boulets éparpillés un peu partout sont encore visibles dans l’enceinte de cette œuvre majeure du Roi bâtisseur qui, au-delà de sa très grande vision et de sa volonté farouche de rendre prospère son royaume du Nord, aura étalé au monde entier sa parfaire maîtrise de la chose militaire et sa grande capacité de défense. L’humanité entière n’en finira d’exprimer son admiration face à cette bâtisse, perchée à plus de 900 mètres d’altitude. L’Organisation des Nations Unies pour l’Education, la Science et la Culture (Unesco) l’a placée depuis 1982 comme patrimoine historique mondial. Des travaux de réhabilitation réalisés avec l’aide de l’Institut de Sauvegarde du Patrimoine National (ISPAN), achevés en 1990, lui confèrent une nouvelle fraîcheur.
Milot et ses sections communales, Bonnet à l’Evêque, Perches-de-Bonnet et Génipailler, qui se spécialisaient dans le temps dans la culture du café et du cacao, abritent de nombreuses variétés d’arbres fruitiers. Les milotiens en sont fiers et expliquent que cette particularité n’est autre que le résultat d’une stratégie priorisée par le Roi Henri Christophe qui encourageait la production d’arbres fruitiers en lieu et place des autres espèces.
Milot est par ailleurs réputé pour être un endroit calme et paisible. Il a cette merveilleuse chance de ne pas figurer sur la liste des régions du pays où l’insécurité règne en maître. Un atout de plus qui ne peut qu’inciter les aventuriers de tout horizon à faire le déplacement à Milot, gardien authentique de l’âme haïtienne.
Rodson Saint-Hilaire