Par Mérès Weche
C’est dans une ambiance festive que la mémoire de Georges Castera a été honorée, à Montréal, le vendredi 31 janvier 2020, dans une veillée à la Maison Haïti, en tandem à ce qui se passait de pareil à Port-au-Prince, pour marquer le transit de cet “étonnant voyageur“ dans les lieux de la mémoire.
Cette soirée du souvenir, baptisée “ Veye Castera nan travèse l “, a été animée conjointement, et de manière très professionnelle, par Mireille Jean-Louis et Pierre Emmanuel, pour inviter sur scène, de façon ordonnée, maints artistes qui se devaient de rendre un hommage bien mérité à Georges Castera. C’était toute une fête de la poésie, faite de mots et de musique ; l’harmonica et la guitare se sont joints à la littérature pour rythmer et fixer dans le temps la parole engagée de ce faiseur d’images, à la plume et au pinceau, obéissant constamment à sa double intensité créatrice.
C’est à l’unanimité que tous les intervenants ont évoqué ce beau ver du poèteː “Aime-moi comme une maison qui brûle“ ; un ver qui le montre comme assiégé dans la tourmente du poème, sans pour autant faire de lui un pyromane de cet amour qui brûlait dans son for intérieur, sans jamais incendier ses désirs. C’est avec une “voix de tambour“ qu’il traduit ses sentiments dans sa “demeure d’encre“ et de papier. Son intranquillité se traduit surtout par des cris chimériques contre la condition inhumaine de son peuple dans cette espèce de “radeau de la méduse“ qu’est devenu le pays haïtien.
Au cours de cette inoubliable soirée artistique, organisée par la Compagnie Théâtre Créole-KTK, dirigée par le couple Ralph et Nerlande Civil, on a vu défiler sur scène une brochette d’artistes et écrivains haïtiens de renom, tels que Frantz Benjamin ; Mélissa Gresseau ; David Nézy et sa compagne d’art dramatique Oshun Florwing, dite Sévérine ; Fritzberg Daléus ; Thurlie Clairvil et son groupe, dans un montage théâtral de toute beauté ; Henri St-Fleur ; Badiona Bazin ; Frantz Voltaire et moi, votre serviteur, pour ne citer que ceux-là. J’ai personnellement revendiqué, au nom de la poésie de Castera, cette merveilleuse interprétation musicale de Beethoven, née du poème de Freedrich Von Schiller, “Ode la joie“, devenue tout un hymne sous les doigts de cette virtuose au piano du XIXe siècle.
Par revendication, j’entends l’usage que j’en ai fait à l’harmonica- cet instrument traditionnel dans lequel on insuffle toute son âme -, pour que ce bel extrait de la 9e symphonie de Beethoven n’ait pas toujours un sens politique, comme dans cette chanson adaptée par Guy Durosier, pour magnifier François Duvalier à sa mort, ou comme hymne de l’Union européenne, pris dans le conflit du Brexit au Royaume uni, qui a atteint son point final le soir même de cette veillée en mémoire de Georges Castera.
Si la lune de miel entre l’Angleterre et le reste de l’Europe touche à sa fin, le souvenir de Georges Castera restera éternel dans la mémoire haïtienne. “L’hymne à la joie“ de Beethoven, qui ne sera plus jamais entonné au Royaume uni comme un écho de l’Union européenne, restera dans la communauté haïtienne de Montréal une vive réminiscence de Georges Castera.