Crédit Photo: Page Facebook UNICEF HAITI
Par Walner OLIVIER
A ‘‘Site 2000’’, localité de la section communale Bas Cap-Rouge de Jacmel, l’allaitement maternel exclusif (AME), constituant un trésor pour les bébés, reste un défi pour de nombreuse jeunes mamans. Mesure de santé préventive pour les nourrissons, dans cette zone, l’allaitement au sein a chuté. Des mères n’arrivent pas à le pratiquer en raison des facteurs socio-économique et esthétique. Des enfants, avant l’âge de six mois, ne reçoivent pas le lait du sein de leur mère. Ils sont nourris de lait artificiel, racontent des parents, ce 25 mars.
Ce samedi matin, ‘‘ Site 2000’’, zone située au nord de la ville de Jacmel, est animé. Sophonie Laurent, avec ses cheveux lisses brillants, s’est assise sur une petite chaise en paille sur la galerie de sa maison et lave des vêtements. Elle ne maintiendra pas l’allaitement au sein. « Cette fois, je ne vais pas faire de l’allaitement exclusif, lance cette jeune mère dans la vingtaine. Pour le faire, il demande de bien se nourrir. Sinon, tu te sentiras vidée, fait- elle savoir, en ajoutant quelques morceaux de linges dans sa cuvette de lessive. Et, face à cette cherté de la vie, que peut-on acheter vraiment ? » se demande-t-elle.
« Pour mon premier petit garçon, je l’ai nourri uniquement de lait pendant six mois, explique Sophonie. Je savais que c’était le bon moyen pour avoir un enfant en santé, en pleine forme, reconnait cette mère de deux enfants. Quand je suis allée à l’Hôpital Saint Michel pour le faire vacciner, le médecin et une infermière m’ont demandé son âge, parce que bébé avait du poids. En les répondant 3 mois, ils étaient étonnés. En leur disant que je fais l’allaitement, ils m’ont félicitée », raconte avec un brin de sourire, cette originaire de La Gosseline.
Louna Pierre-Louis vient de faire des achats au marché en fer de Jacmel. Elle dépose son sac sur un muret et salue sa fille d’un bisou et d’un geste de la main. Elle ne nourrit pas son enfant uniquement de son lait. « Je ne fais pas l’allaitement maternel exclusif, dit cette mère habitant à quelques mètres de la résidence de Sophonie. Après mon accouchement, j’ai commencé à allaiter mon enfant. J’ai dû arrêter. Mon petit avait des boutons sur sa peau. Mais, après, on m’a dit que mon lait n’est pas bon », avance-t-elle, soulignant qu’il y a certaines choses liées aux croyances, qu’elle refuse de partager.
L’allaitement maternel, le salut de l’enfant
L’allaitement maternel exclusif a une importance cruciale dans la vie d’un bébé. « Le lait maternel est un aliment complet fournissant tous les nutriments au corps du nouveau-né. Il le protège de certaines maladies, diminue le risque de contracter certaines infections, et développe les muscles de son visage », explique docteur Loubert Montout, responsable sanitaire de la commune de Marigot.
«Le colostrum, ce premier lait est considéré comme un vaccin. Il développe des anticorps, renforce le système immunitaire du bébé, souligne le spécialiste en santé familiale et communautaire, formé à l’Ecole Latino-Américaine de médecine de Cuba (Escuela Latino-Americana de Médécina- ELAM). Dans les cent-vingt premiers jours, c’est l’anticorps et les globules rouges de la mère transmis dans ce lait qui sont présents chez son nourrisson qui, lui, va développer les siens dans quatre mois. C’est pour cela que le protocole de Cuba est de quatre mois, par rapport à celui d’Haïti qui est de six mois, » précise docteur Montout.
L’infirmière Blandina Pierre est dans le sillage du médecin Montout. Selon elle, le lait maternel ne devrait pas être remplacé. « Il est considéré comme le premier aliment protégeant un bébé, qui contribue à sa croissance, son développement, informe la diplômée de l’Ecole nationale des infirmières de Port-au-Prince- ENIP.
« Quand un nouveau-né n’est pas allaité, il court de grands risques. Il peut avoir de la diarrhée, attraper des maladies, des infections dans ses oreilles, ses poumons », alerte cette professionnelle de santé.
« Grâce à l’allaitement maternel Exclusif, l’enfant a moins de risque de tomber malade, explique la sage-femme Mikerline Bazelais. Si on le nourrit d’un lait maternisé non adapté, cela engendrerait de la malnutrition qui est susceptible de provoquer la mort », prévient l’ancienne étudiante de l’Institut de National Supérieur de formation de Sage-femme, travaillant à l’Hôpital Jules Fleury de Anse-a-Veau.
Le médecin en santé familiale et communautaire, Loubert Montout, avertit que l’allaitement artificiel présente des dangers pour l’organisme de l’enfant. « Lourd, le lait fabriqué va faire travailler l’estomac du bébé. Ses reins et son foie qui éliminent les déchets sont exposés très tôt à des éléments chimiques qui peuvent les endommager en les forçant à travailler », attire-t-il l’attention.
Selon docteur Montout, les raisons d’insécurité alimentaire peuvent empêcher une mère de nourrir un enfant. Des problèmes d’éducation constituent aussi des contraintes pour l’allaitement au sein allant à six mois recommandé par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et les Fonds des nations unies pour l’enfance (UNICEF).
Plus loin, le médecin fait comprendre que le refus de l’AME est parfois la conséquence de certains tabous et croyances du milieu sociologique et culturel des parents, des raisons esthétiques qu’évoquent des femmes. « D’autres voulant garder leur beauté disent que cela peut faire tomber leurs seins » , rapporte le médecin.
Pratiquer l’allaitement sans autres aliments complémentaires paraît difficile pour des mamans qui sont souvent obligées d’aller à se débrouiller pour gagner un sou, quand le père de l’enfant n’assume pas sa responsabilité, observe l’infirmière Blandina. Celles qui ont un emploi dans les entreprises privées ont un congé de trois à quatre semaines. Le nombre de jours de la maternité pour le public est à quatre-vingt-dix jours. Après, ces mères se rendent au travail de 08 heures à 16 heures, en laissant le bébé à la maison, rappelle docteur Montout.
Ces professionnels de santé renseignant sur la valeur de l’allaitement dans la vie d’un enfant disent souhaiter que des campagnes d’éducation soient toujours mis en œuvre pour fournir plus d’informations aux femmes dans les communautés.