Par Mérès Weche
Pour paraphraser René Descartes, je peins, j’écris, donc je suis. En fait, pour moi, la vie a toujours été une “gaguère“ où c’est le meilleur coq qui gagne ; c’est le seul lieu de pari où la mise n’est pas toujours les gros sous, mais le sentiment de jouer pour gagner, si peu soit-il.
Je suis un “peintre du dimanche“ et un écrivain du “Samedi-Soir“ . La peinture et l’écriture sont pour moi des thérapies en ces temps de maladiesː virus, survie et autres, dans ce monde de faussetés, de cruauté mentale et physique. Mes lettres me servent à lutter contre le mal-être, et mes couleurs à prendre les douleurs par la gorge. En ces temps de quarantaine, elles m’apportent beaucoup d’inspiration, me confinant ainsi dans mon atelier pour préserver ma respiration.
En art, je reviens aux “Kòk batay“ que je n’ai pas peints depuis longtemps, car l’instant présent invite à la lutte, bec et ongles, pour la survie, contre vents et marées. Je me souviens, comme si c’était hier, que mon premier tableau vendu au Red Carpet, à Pétion-Ville, fut une scène de gaguère à Beaumont. J’en aurai filmé plusieurs, quelques années plus tard, pour mon émission Tradition et Société à la Télévision Nationale d’Haïti. C’était le temps où les touristes affluaient au pays. Les Andou Sahieh, propriétaires d’alors de Red Carpet, me demandaient davantage de gaguères, car le jour même de son acquisition par cette galerie, l’oeuvre avait été vendue au prix fort, dixit un employé acquis à ma cause, et dont je tais le nom, parce que ça ne sert plus à rien, et pourquoi l’offenserais-je à ce pointɁ Je ne voulais pas en faire sur demande, car j’ai horreur des tableaux en série. J’entends Jacques Stephen Alexis qui vitupère les “Seabrook“ de l’art dans sa “Lettre à mes amis peintres“.
Aujourd’hui, du haut de mon grand âge, si j’ai encore le souffle suffisant pour peindre une seconde gaguère, c’est par amour des gageures, car j’aime défier les embûches placées sur mon chemin. J’ai survécu contre vents et marées aux aléas de la vie, en me cramponnant à ces rocs indestructibles que sont la foi et la résilience.