Propos recueillis par Valéry Gérôme
Dans notre rubrique cinq(5) questions à un(e) professionnel (le), nous rencontrons Joe Antoine Jn Baptiste, journaliste-rédacteur et normalien supérieur (option: Lettres modernes). Par dessus tout, le métier de journaliste le passionne et donne sens à sa vie, son existence sur terre. Depuis plus de seize ans, il offre son savoir-faire à plusieurs médias de la Capitale dont Le Matin, Le Nouvelliste, Le National, L’union, Télé vision 2000, Radio télé Pacific et, aujourd’hui, la Radio Télévision Caraïbes RTVC. Il reste toutefois accroché à littérature avec la passion la plus dévorante. C’est pour lui le seul moyen de dire sa vérité et sa sensibilité. D’où son grand intérêt à conférer une certaine littérarité à son travail journalistique.
1- SiBelle Haïti: Joe Antoine Jn Baptiste, parlez-nous un peu de vous. Pourquoi avoir choisi le journalisme ?
Joe Antoine Jn Baptiste – Parler de moi n’a jamais été une tâche facile. Encore moins de mes expériences, mon parcours et mon vécu. Comme presque tout individu évoluant en Haïti, je viens d’un père et d’une mère qui se sont beaucoup battus pour me gratifier des bienfaits et des ruses académiques et universitaires conventionnellement contraignants, mais très aiguisés. Très tôt, j’ai contracté le virus de l’écriture et de la lecture qui, quelque temps plus tard, avec l’assistance de mon ami vitamine Claude Bernard Sérant, allaient me guider vers le journalisme. Une profession que j’ai choisis parce qu’elle m’a permis de rester en contact permanent avec l’écriture. Depuis, seize années se sont écoulées. Et je me vois en situation de continuer à exercer cette profession avec la même passion, le même amour en dépit des banalités et des stupidités qui obstruent le paysage médiatique. Je suis devenu un artisan de la phrase. Je suis toujours en quête d’information. Avec un zeste de littérature, de philosophie et de psychologie, j’arrive à doser ma plume en m’enfermant dans mon petit coin, à vivre mon silence assourdissant et me construire timidement, mais sûrement. Bref, je suis journaliste. Je n’écris (faire du journalisme) pas à présent pour informer mais pour vivre et aider les autres à mieux digérer leur existence.
2- S.H- Vous êtes journaliste à plein temps ou il y a autres choses qui vous passionnent autant ou encore plus que le journalisme ?
JAJB : Je suis Journaliste dans l’âme. Je vis du journalisme. J’ai du mal à concevoir l’idée que quelqu’un qui s’improvise journaliste, dévalorise la profession en se servant de son micro pour asseoir son capitale et/ou jouir d’une quelconque faveur au dépend de la société. La pauvreté engendrée par la politique de mauvais goût des acteurs non conscients de leur valeur et de leur volonté à faire du pays un endroit où il fait bon vivre. Dans ce contexte-là, J’ai du mal à m’imaginer journaliste. Ce qui me porte, fort souvent, à être consultant, chargé de mission dans certaines institutions publiques et privées de la place. Avec ce model de journalisme pratiqué en Haïti, nous devenons plus bête que jamais. Le plus dure, c’est parce que nous choisissons de l’être. Une bêtise qui gagne du terrain et nous fait perdre toute sensibilité humaine. Nous n’existons pas. Le plus décevant, nous autres, en tant que journaliste, les chiens de garde de la société, nous cautionnons cette bêtise que la politique du « setoupamisme » aberrant et déconcertant engendre. Il doit venir un temps où l’on exerce la profession du journalisme en ayant toute les marges de manœuvres appropriées et adaptées à notre réalité de peuple.
3- S.H- Vous êtes journaliste-reporter, parlez nous des rapports que vous entretenez avec les gens.
JBJA.- Le journalisme est une profession de rencontre, de contact et de solitude. Il est toujours bon et agréable de rencontrer les gens. Chaque rencontre propose un degré d’ouverture sur le monde. Chaque rencontre participe à la construction de l’homme dans ses multiples dimensions. Chaque rencontre est une façon d’appréhender le réel et de saisir les différentes facettes de l’infiniment grand et de l’infiniment petit. Chaque rencontre est une manière de se réinventer. Mais pour se réinventer, il faut, par moment, se réfugier dans une sorte de solitude. Laquelle permettra de goûter en profondeur à l’essence même de toute existence.
4- S.H. En tant que journaliste-reporter, quelle contribution pouvez-vous apporter pour changer votre communauté ?
JAJB.- J’ai beaucoup œuvré pour me sentir utile en tant que journaliste en Haïti. Depuis quatre ans, à Radio Télévision Caraïbes, je produis des reportages-portraits pour le compte de l’émission estivale Podium Quartiers sur les jeunes qui y participent. La plus belle rose au monde fleuri au cœur des marécages. Tous les ans, j’arrive à me salir les pieds afin d’aider le grand public à apprécier la valeur, la beauté et le talent des ces roses (ces jeunes) en quête d’ouverture et d’opportunité. J’arrive à le faire avec passion et amour malgré les pressions sociales, politiques et économiques de ce pays déchiré, effondré. C’est le même cas de figure pendant les deux ans passés à Radio Télé Pacific. Je produisais une émission de découverte, de voyage et d’exploration des richesses et de la culture nationale. Avec grand reportage, j’ai été investi d’une mission. Une très grande mission. Je voulais dans une certaine mesure montrer aux haïtiens que Haïti est beaucoup plus que ce qu’on nous force à voir tous les jours. A Le National, en tant que chef de la rubrique société, j’éprouvais un plaisir fou à traiter et développer une série de sujets pouvant aider mes compatriotes à mieux comprendre les faits sociaux. A Le Nouvelliste, comme pigiste, je fais en sorte que mes articles sur des dossiers culturels et mes comptes rendus de lecture soient profitables pour tous les jeunes. En tant que professeur, dans certaines « écoles » journalistiques de la place, je contribue à la formation de plusieurs jeunes désireux d’exercer cette profession. Bref, je fais de mon mieux pour servir à ma façon. Et, je n’ai pas l’intention d’en rester la.
5- S.H- C’est un métier à risque, comment vivez-vous les enjeux de ce métier par rapport à vos expériences ?
JAJB.- Toute profession comporte ses risques et ses enjeux. Le journalisme aussi. Ce qui est déroutant dans l’exercice de cette noble profession est la monstruosité de certains directeurs de médias. L’humain (le reporter) n’est qu’une simple marionnette dans la boite. Il est utilisé comme un papier de toilette et n’a même pas la possibilité de se reproduire socialement et économiquement. J’étais à vision 2000. Je gagnais dix mille gourdes à l’époque. Alors que j’assurais la couverture d’une manifestation dans les rues de la capitale, j’ai été atteint de deux projectiles en caoutchouc au dos. J’ai passé une semaine à la maison avec une fièvre qui tentait de carboniser mon corps. Même pour une fois, le directeur de la station n’a eu l’élégance de me passer un petit coup de fil, le temps d’apprendre de mes nouvelles, de mon état de santé. Peut-être ne voulait-il pas couvrir les frais d’assurance. Là, c’est un dossier épineux dont aucun journaliste n’a le droit d’aborder. Je me tais.