Par Victor Jean Junior
BIC respire un air d’automne à Montréal (Québec). Pour la vente-signature de « BICsyonè », samedi 19 octobre 2019, à Espace culturel La Cenne, l’auteur de « Nou byen mal » s’est retiré temporairement d’une Port-au-Prince en ébullition et revendicative.
Cependant, les péripéties que traverse jadis le pays sans que les protagonistes puissent garantir un heureux dénouement occupent son esprit. Il a récemment sorti « Asuiv », nouvelle expression de son dégoût au sujet d’Haïti et de ses élites. Cette chanson haut de gamme dérange les acteurs indexés, mais emballe les assoiffés de bien-être. On dirait une consécration, un accomplissement de soi (clin d’œil à Maslow), une preuve en plus qui montre que TizonDife est incontestablement un créateur exceptionnel.
On ne peut ne pas respecter BIC (« Brain-Intelligence-Creativity »). Si vous êtes un consommateur avec un goût délicat pour la qualité d’une œuvre artistique, vous devez lui tirer honnêtement votre chapeau. Auteur-compositeur, il réalise sept albums et enchaîne des succès depuis dix-neuf années.
En dépit du boycottage systématique dont il a été victime, ce chanteur à textes, cohérent et résilient, reste sur sa voie et continue de véhiculer des messages sensés. Libre et indépendant (des manitous des secteurs politique, économique et culturel), il se démarque toujours de fort belle manière grâce à sa philosophie, son lyrisme et sa digne personnalité.
Contrairement à une série d’artistes et de musiciens « je-m’en-foutisme », Roosevelt Saillant, de son vrai nom, joue sa noble partition d’incitation à l’action positive. S’inscrivant dans une démarche critique et défendant une cause juste, il écrit des textes d’intérêt public à travers lesquels il décrit nos réalités et nous interpelle.
Il y aborde des sujets d’importance capitale, dont la misère planifiée des masses populaires, le pourrissement programmé de cette société et l’irresponsabilité manifeste de nos élites improductives. Ses chansons d’une qualité littéraire remarquable constituent le vecteur de son expression politique.
Le musicien possède effectivement cette habilité à raviver l’espoir de plus d’un avec ses succulentes mélodies poétiques et politiques. BIC diagnostique en effet nos maux avec ses mots justes. Cet excellent chansonnier jongle magistralement avec les mots et les rimes pour attirer notre attention sur les pratiques indécentes de l’État, de l’Église, des médias et de la bourgeoisie malpropre. Il se positionne contre la logique de futilité et d’arrivisme, encore et toujours à la mode de chez nous.
Il refuse de se laisser aller dans ce courant pernicieux. Au contraire, il s’oppose clairement à cette pratique selon laquelle on s’amuse à offrir n’importe quoi au public haïtien qui, selon les mauvaises langues, ne peut pas apprécier le beau. À ce sujet, BIC dénonce l’attitude des patrons de média et des présentateurs d’émission musicale qui, sans rime ni raison, diffusent et promeuvent les activités « tisourit » au détriment des œuvres artistiques proprement dites.
BIC a choisi de « cultiver son jardin » (clin d’œil aussi à Richenel Ostiné qui aime tant cette phrase de Voltaire dans « Candide »). Au lieu de faire les courbettes devant des opérateurs culturels, des entreprises commerciales et des chiens de garde (merci Halimi), l’artiste a préféré travailler dur et fort.
Pour siéger sur le trône, il s’est misé avec patience sur son talent, son savoir-savoir et sa discipline. Son parcours fascinant a débuté en effet avec Flex. De 2000 à aujourd’hui, TizonDife dont les textes sont étudiés dans des universités a traversé des carrefours difficiles et des barricades avant de prendre et conserver dignement sa place méritée dans cette arène culturelle où règnent la platitude, l’indécence, la haine et l’hypocrisie, entre autres. Quoi qu’il en soit, BIC a bien travaillé, dès lors, il convient de le vénérer comme le créateur « suprême » de son univers.