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Dans l’univers de Benoit d’Afrique
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Dans l’univers de Benoit d’Afrique

Par Ricot Marc Sony

Né aux Gonaïves, Benoit d’Afrique, de son vrai nom Carl Withsler Benoit, est un homme pluriel : Ciseleur de mots, animateur d’atelier d’écriture, photographe. Son premier recueil « L’enfant n’est pas mort » est paru aux éditions Z4. Lauréat du Prix Poésie en Liberté en 2016 pour son poème « Ma mort », Benoit D’Afrique confectionne des textes teintés d’engagements en abordant des questions de portée universelle: l’amour, la mort et l’enfance perdue ou retrouvée. Jonglant avec le réel et l’imaginaire, il se présente comme un observateur attentif des faits du quotidien.  Nous sommes allés à sa rencontre… Ouvrons grandes les parenthèses sur ce poète qui ne mâche pas ses mots. Entretien.

SiBelle Haïti : Benoît D’Afrique, vous êtes l’une des plumes de la relève littéraire haïtienne. En  2016, vous avez reçu le Prix international de la poésie en liberté pour votre texte Ma Mort publié chez Bruno Doucey. Quel est, selon vous, le rôle de la poésie dans un monde aride où l’individualisme, la mise en scène de soi, l’obscurantisme et mille autres venins règnent en maitre ? 

Benoit d’Afrique : S’interroger sur le rôle de la poésie dans ce monde c’est aussi cogiter sur les questions de son accessibilité et de sa réception. L’individualisme et l’obscurantisme qui frappent ce monde incorporent souvent la poésie de telle sorte qu’on se dit parfois que ce qui arrive à la poésie est la résonnance symbolique ou artistique du vaste tissu d’incompréhension dont se voile ce même monde. Le Je qui s’est imposé gomme le Nous, et si ce Je deviens autre ce n’est que le déplacement du sujet d’un lieu de son territoire vers un autre lieu de son moi. Je crois qu’un peu qu’un des rôles de la poésie c’est cette quête du collectif. Il faut mettre des ponts entre les hommes.

S.H. : Quand on vous dit poésie, qu’est-ce que cela évoque pour vous ?

D.d’A. : Cela me dit qu’on va changer d’altitude, de dimension ou de cap.

S.H. : Les poètes ont-ils un rôle à jouer dans la crise que traverse notre civilisation ?

D.d’A. : Tout art est traversé par les problèmes de son époque. On ne saurait créer en fermant les yeux sur ce qui se passe dans le monde. Ça revient à vous sous forme d’images et de métaphore et déborde l’espace de votre œuvre. Bien sûr que la poésie n’est pas la seule solution mais elle a son rôle à jouer, à sa façon. La poésie, par sa représentation symbolique des éléments du monde, nous pousse à les voir sous un angle merveilleux qui nous dit beaucoup sur la fine sensibilité humaine.

S.H. : Vous étiez en résidence à La Centrale 22, en quoi consistait cette résidence et qu’est-ce que vous y avez fabriqué ?

D.d’A. : Honnêtement, j’avais besoin d’un endroit propice, bien flegmatique où aucun souffle de vent ne viendrait encrasser l’atmosphère, un endroit où nul doute ne tenterait sillonner. J’avais besoin de ce local non seulement pour écrire un texte que seul un bambin incompris et doté d’une peine plus lourde qu’un ciel d’un dimanche après-midi pouvait procréer mais aussi pour moi-même, mon bien-être. Il fallait que je corrige mon testament philosophique et mon état civil tout en essayant de (ré) définir mon rapport avec la poésie.

S.H. : Avez-vous des dettes, si oui ? Quels sont les poètes qui constituent votre panthéon littéraire et auxquels vous vous sentez redevables ? 

D.d’A. : Des dettes ? Non, je suis surendetté. J’en ai des tonnes. Nonobstant, je ne dois rien à quiconque sinon qu’à moi-même. Cette vie m’a value tant d’insomnies et de luttes enfin. En ce qui concerne les poètes qui forment la chair de mon petit panthéon, on peut citer vite fait : Bukowski, Mallarmé, Hawad, Alain Mabanckou, Baldwin, Les Fransaint, Makenzy Orcel etc.

S.H. : Un autre jeune poète de votre génération, Jean D’Amérique, a lancé cette année un festival de poésie( Transe Poétique) dont la première édition s’est-réalisée autour du thème « la poésie sauvera le monde » Pensez-vous que la poésie peut participer à un sauvetage collectif ? 

D.d’A. : La poésie nous bouleverse mais nous ramène aussi à un « intime commun », où un groupe peut se reconnaitre et se voir. Et tout ce que fait un homme vient de son intérieur saccagé, de son lieu le plus intime, comme si toutes ces actions y trouvaient leurs points de départ. La poésie comme art de récupération d’un sentiment d’humanité perdue peut contribuer à un retour vers l’intérieur, vers « l’intime commun » et engager une autre conception du monde.

SiBelle Haïti : Vous êtes à la fois poète et également mannequin (même si vous ne le revendiquez pas), Comment vous conjuguez l’exercice de style qu’est la poésie et l’attention au style qui transparait dans vos nombreuses publications sur les réseaux sociaux ? Quelle est le lien chez vous entre poésie et mannequinat ? Sentez-vous plus proche des Dandy du début du XXème siècle ou des SAPEURS Congolais ? 

D.d’A. : Ce n’est pas que je ne le revendique pas, tout simplement je ne le suis pas. Je revendique que ce que je suis (Humain) ou ce que je voudrais avoir (plus d’humanité). Par ailleurs, en ce qui concerne mon style vestimentaire, je ne me sens plus proche que d’une seule personne ; moi-même. Il est consigné nulle part, qu’un poète ou un séide de lettres doit s’accoutrer comme un clochard. Entre la poésie et ma façon de m’apprêter nul lien cohabite mais si vous m’aviez demandé qu’en est-il du lien coexistant entre elle et moi, je vous aurais accordé une réponse bien garnie d’arguments vitaux.

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