Par Jean James Junior Jean Rolph
Ils étaient nombreux à faire le deplacement à l’amphi A de l’université de Guyane pour assister, le mercredi 4 mars 2020, à la représentation du monologue “J’écris avec du sang“, écrit et joué par la comédienne Nitza Cavalier.
Le choeur s’avance vêtu de blanc, chantant “dèy“pour annoncer Nitza Cavalier qui, elle même, vêtue de noir le symbole du deuil, se couche humblement sur la scène.
Le décor est planté. Cette pièce est l’arme utilisée par la jeune femme pour venger son père assasiné le 4 mars 2019 dans son pays natal(Haïti). La nouvelle lui a arraché le coeur. Elle s’y met à fond pour obtenir justice.
Ce n’est pas une diction parfaite, mais un excellent jeu d’acteur. Elle pleure, crie, joue et danse. Elle répond inextingiblement à la notion de “mémoire“ chez Stanislavsky pour avoir joué seule une pièce d’une heure et demie.
Cette piéce déroulée en 4 actes et livrant peu d’espace au choeur composé de Joseph Gayle Sloane, Clerfils Doris et de Benjamin Lyndor, est aussi une belle façon de suivre cette démarche nietschéene “J’écris avec du sang » et le sang est esprit “Ainsi parlait Zarathoustra ».
(Lire et écrire) Ce n’est sûrement pas Pagnol dans “La gloire de mon père“, ni Guy Régis Junior dans “Les 5 fois où j’ai vu mon père“. Mais, c’est Nitza Cavalier, cette jeune haitienne, en quête de ce que Freud appelle la “figure du père“. Sans pour autant oublier Guy de Maupassant, qui dénonce l’abscence dans « Le papa de Simon“.
Elle en a aussi profité pour témoigner de son amour de l’abricotier, l’arbre préféré de son paternel. Et surtout pour jeter un dur regard sur l’abattage des arbres dans la forêt amazonienne. La pièce continue, dans un excellent jeu de lumière. Des formules lui arrivent “se taire est mille fois pire que mourir“, affirme-t-elle.
La comédienne ne veut plus de barièrres, elle veut toucher l’essence du “surhomme“ ou du moins de ce qu’elle même baptise la “surfemme“ pour devenir au sens nietschéen une étoile dansante. Au beau milieu du spectacle, une mère portant un frèle enfant sur ses bras, contourne la salle. Le bébé pleure, la salle se fond dans son ultime silence.
La comédienne raconte ses tourments sur le sol de Serge Patient, d’Elie Stephenson, de René Maran et surtout de Damas, l’une des grosses pointures de la négritude. A la 4ème et dernière phase, l’auteure crie son impuissance, sa douleur, en présence de sa maman et de ses deux petites soeurs, qui étaient elles aussi, venues assister à la pièce.
Nitza chante une berceuse, en comptant le nombre de projectiles qui a criblé son père. Personne ne l’écoute, pas même le choryphée. Personne ne lui dit qui et pourquoi la mort de l’un des êtres le plus cher de toute son existence? Elle grimpe et franchit le sommet d’une montagne, pour devenir cette étoile dansante qui écrit avec du sang.