Par Walner Olivier
Dessalines, père fondateur de la patrie haïtienne, est depuis son assassinat en 1806, déifié dans diverses traditions, notamment du vodou. Une construction qui se fait dans et/par le discours des Haïtiens. Des locuteurs natifs de la langue créole élèvent Dessalines à la hauteur d’un dieu dans le vodou haïtien. Ils prononcent souvent « Pa kite lwa Desalin mwen monte m », par analogie à un fragment original, « Pa kite lwa m monte m ». L’Empereur devient ainsi un loa par analogie, pour ces locuteurs.
Bon nombre d’Haïtiens produisent ce fragment discursif dans une situation dans laquelle ils sont tapés sur les nerfs. En conséquence, ils veulent exprimer leur bravoure, leur vaillance et se disent être aussi très redoutables. Un rapport de sens lié à la représentation de Dessalines dans l’imaginaire des Haïtiens. Prononcer ce discours est très pragmatique et a son effet sur son destinataire.
Des citoyens faisant usage de ce discours n’hésitent pas à corroborer. Fénold Olivier, un artiste peintre à Jacmel, connaisseur du vodou, exprime sa compréhension de ce discours. « Pour beaucoup d’adeptes du vodou, Dessalines existe comme un loa. Il est un loa dans le panthéon du vodou haïtien comme Danbala, Ayida. Des vodouisants pensent qu’après qu’une personne soit « janbe » pour Alada, elle peut revenir sous forme de loa quelque temps après», a expliqué ce peintre.
Suivant les dires du houngan Lesly Kazak Décembre, Dessalines est pratiquement déifié. « Desalin est déifié réellement dans le vodou haïtien », affirme-t-il. Il ajoute en vue d’indiquer que « Dessalines se manifeste en Sen-Jak Majè(Saint-Jacques Majeur), un esprit dans le panthéon du vodou.
Le houngan-Journaliste admet deux dimensions de ce discours porté sur Dessalines. D’une part, « il y a des loas qui ont de l’existence dans le vodou haïtien grâce au rite banda ayant rapport aux loas « gede »» permettant cette déification. Le houngan explique que ces loas sont des personnes « Janbe ». « Ils sont identifiables par des anthroponymes (noms humais) tels que Jan-Lakwa, Tipis-Lakwa qui sont des loas du panthéon du vodou haïtien », a fait croire le houngan Zanba. D’autre part, il existe, selon Lesly Kazak Décembre, des loas qui sont de grands esprits précédant l’homme.
Cette construction discursive avec le nom de l’Empereur comme noyau sémantique s’impose. Une représentation exprimant la valeur de Jacques 1er dans la vision du monde de ce peuple. Un libérateur qui reste à jamais un idéal.