Par Mérès Weche
« Dans le grand froid polaire, l’ours et la lune rêvent de voyage. Pourquoi ne pas quitter la banquise et parcourir la terre ? La lune se fait barque, et commence l’aventure. L’immense océan, la jungle sonore, les lumières de la ville… De riches rencontres ponctuent leur tour du monde ».
Les Éditions de l’Élan vert
Il se dessine sur l’ile d’Haïti, ancienne possession amérindienne, un ours hurlant à la lune; c’est la Grand-Anse où se situe Abricot, l’ancien paradis des Indiens. La poétique Grand-Anse, toujours dans la lune.
Oui, il se dessine cet ours, en Haïti même, le pays des mythes et mythologies les plus tenaces de toute l’histoire des Amériques.
Les yeux et le museau de cet ours accroupi, hurlant à la lune, sont à Pestel. Son cœur à Beaumont, son cou à Corail, sa nuque à Roseaux, son ventre à Jérémie, son sexe à Moron, sa queue à Dame-Marie, ses pattes de derrière aux Irois, son rectum à l’Anse-d’Ainault, la dernière partie de son tube digestif à Moron et Chambellan, le bout final de sa colonne vertébrale à Abricot et Bonbon. La lune, c’est visiblement la grande Cayemitte.
La Grand-Anse, ce vieil ours solitaire
Bien que dans le domaine du journalisme, l’ours désigne aujourd’hui un encadré où figurent les principaux noms liés à une publication, il demeure une forte référence culturelle. Dans des anciennes populations humaines, l’ours signifiait accompagnement et partage. L’existence d’un culte de l’ours, symbolique et religieux, reposait sur le fait que cet animal partageait avec l’homme le biotope de la nature.
Initialement, l’ours incarna une divinité. La thèse du culte de l’ours au paléolithique moyen est peut-être controversée, mais l’on verra plus tard que sa vénération est liée à la chasse dans les pays nordiques, et associée à des rituels dans de nombreuses sociétés.
L’ours fut considéré comme un ancêtre tutélaire, un symbole de puissance, de renouveau, du passage des saisons, et même de royauté, bien avant le lion, méritant cet honneur par sa sauvagerie.
Comme au temps de la campagne antisuperstitieuse de 1942 en Haïti, où des trésors culturels nous furent volés au profit de grands musées occidentaux, le culte de l’ours avait subi les mêmes saintes horreurs religieuses en Occident. Ces pratiques étaient jugées païennes par l’Église, et l’ours acquit une réputation d’animal goinfre, inapte à exprimer l’ascétisme et la modération. Cependant, les traditions liées à cet animal survivent dans quelques communautés։ en Sibérie, en Laponie, chez les Amérindiens, et même dans les Pyrénées.
Même si on n’a jamais vu un ours en Haïti, il reste que cette terre fut celle des habitants qui honoraient les animaux, la lune et les étoiles, et dont le paradis se situait en Grand-Anse.
Partout ailleurs, l’ours et ses cultes ont fortement marqué l’imaginaire et la culture populaire. L’ours est présent dans un grand nombre d’histoires mythologiques ou folkloriques. On le met souvent en scène aux côtés de jeunes filles dont il tombe amoureux et qu’il enlève parfois pour leur faire des enfants doués d’une force surhumaine. On en fait une espèce d’homme à l’état sauvage, symbole de l’union féconde. La Suisse, la Finlande, la Russie, la Californie en font leur image d’Épinal, et on voit même deux constellations porter son nom, visibles la nuit en un ciel étoilé։ le petit et le grand ours.
Au Moyen Âge, la femelle était censée lécher longuement ses petits, nés avant terme, pour leur donner force; d’où l’expression courante d’« ours mal léché ». Aujourd’hui, le lien entre l’ours et l’enfant est purement affectif et émotionnel. Abricot en Grand-Anse s’en souvient.
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