Par Jean James Junior Jean Rolph
Quand il est mort le poète. C’est La chanson de Bécaud qui m’arrive brusquement à la nouvelle de ta mort. Comment mourir Georges quand on a écrit les cinq lettres ?
Le temps menace la ville d’un canon de ride/tu m’écris que les arbres étranglent les oiseaux/ (lettre sur la mer)
Les oiseaux sont encore fragiles camarade et tu n’y es plus. Les massacres se perpétuent dans le pays. Qui donc ira chanter la chanson d’innocence ?
Poète. Tu es parti avec un pan de nous-mêmes. Je suis loin du pays. Je pleurs comme un être désabusé. Et pourtant je n’ai pas connu l’homme. Mais, le poète reste celui de mon enfance, de toute ma jeunesse, mon Castera d’amour. D’intimes souvenirs, le temps où l’on a voulu faire de la poésie, mais, non du Castera. Le temps où Evains Weche et Caldwel Appolon criaient ton nom aux jeunes Jérémiens friands de poésie que nous étions. On était jeune. On était fou. Bachelard, Darby, Ebenezaire, Annick, Diderot, le temps de SOJEC et des poèmes de rue. On a connu Cajou, on a connu Téchelet. Jérémie prit feu, Castera sur toutes nos lèvres.
En grandissant, je me vois aussi poète. Tu es devenu mythe. Je t’envie quelques fois d’avoir écrit des poèmes tels que « certitude » avant moi.
« Je n’appartiens pas au temps des Grammairiens/mais surtout à celui de l’éloquence étouffée/aime-moi comme une maison qui brûle »
Tu as voulu aimer même en danger de mort. Tu as toujours vu l’autre en toi. Ce dont la critique nomme le «je Rimbaldien » et je demande pourquoi y a-t-il autant de miroirs dans ton œuvre ? On a compris Georges, c’est une belle façon de regarder l’autre. L’une des rares fois qu’un miroir n’a pas servi Narcisse.
Ton œuvre. Celle de toute génération dans ce foutu pays de poète. Celle de ma génération. De l’atelier Franck Fouché ou Jean Cajou nous Saoule de tes poèmes. Le duel devient Rude. On a voulu être le diseur par excellence. Qui connait Mieux Castera ? Pierre (ti Pyè), Ricardo B, Fedia Stanislas, Mica Charles, Richemaille, et j’en passe. Moi, j’ai appris à vivre de ta poésie « jòf » « Konbelann » « biskwuit Leta» «rature d’un miroir».
J’ai souvent dit que Philoctète est le poète des grandes humanités. Toi Georges, tu es iconoclaste. Poète de tout. De la rage de vivre. De l’odeur, la douleur. Le rire. La nature, la mer et surtout l’amour. Un amour pas comme les autres. Un amour au sens de Depestre, qui répond aux appels désespérés de la souffrance humaine.
Je me souviens d’avoir copié tes poèmes pour courtiser les filles. Abelina, Jeefnie, Christie et j’en passe.
« Atansyon timoun map teke/ boul pik mwen se jaklin/ tout lòt fanm se grizon ».
Pardon d’avoir dit ce poème à une multitude de femmes. Ce n’est plus le poème de Jaklin. Mais celui de Villa et tant d’autres. J’avoue poète. De toi à moi, je deviens rancunier. Il me faut un procès à ce talentueux poète, qui sans penser à ma colère, t’a écrit : « San powèm pou Castera youn pou Danmba » le serpent se mord de rage.
Personne n’a réussi à écrire aussi bien en créole qu’en français que toi.
« Mwen ki tankou yon riyèl wòch/ ki pa mennen okenn kote/ yon ti chimen dekoupe nan nenpot ti touf raje/ kote pentad ap jwe lago kache/ cheri mta pran kèw sou bò goch mwen/ poum bati yon kay chanmòt. »
Je te cite par cœur Georges. Sans livre en main. N’est-ce pas ce genre d’esthétique que Barthes appelle «l’artisanat du style» ? Ton poème fait corps avec ce que nous sommes. Notre histoire de peuple meurtri. Une poésie contre l’impérialisme, les gouvernements carnivores et la bourgeoisie « au sens de Brel ».
Ici, là où l’on va par routine à la mort. On a encore besoin de toi. De tes paroles faites d’espoir et de lune. Attention camarade ! Reviens, il y a encore des salauds à abattre.
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