Par Adlyne Bonhomme
Il y a dans la société, des métiers silencieux et assez transparents. Que certains croient, même à tort, pouvoir pousser du pied, mais dont l’utilité néanmoins ne saurait être contestée. Les cireurs de chaussures sont bien listés dans ce cadre-là. Imaginons nos chaussures devenues blanches de poussière alors que nous sommes en route pour le bureau, ou pour l’école… Imaginons-les dans un contexte de temps pluvieux, où la boue prend toutes les routes d’assaut. Ce sont ces gens-là qui nous viennent en aide dans ces moments pour nous refaire une élégance. Je suis allée à la rencontre d’un cireur à l’histoire plutôt intrigante à Pétion-ville.
Samuel Sainristil, dit Ti Paul, fait très tôt dans sa vie le métier de cireur de chaussures. C’est son père, Paul Sainristil qui le lui a appris dans les années 2008 alors qu’il n’avait que 8 ans. Ce père qui a lâché le métier quelques mois après le tremblement de terre en 2010 préférant repartir « en dehors » s’occuper de ses lopins, de ses jardins et de son travail de hougan, lui a tout transmis.
Samuel n’habitait pas toujours Port-au-Prince avec son père. C’est en accompagnant sa grand-mère maternelle venue vendre ses denrées à Port-au-Prince que Paul, travaillé par l’idée de lui envoyer à l’école, a décidé un jour de le garder avec lui. L’enfant allait à l’école du soir. Mais il a quitté très vite pour la brosse, alors qu’il n’était qu’en 2e année fondamentale. Les activités de « chany » paraissaient si rentables à l’époque, qu’il s’en était livré entier.
Depuis 2010 Samuel qui dit aimer exercer le métier, manie l’aniline, dépoussière, décrotte et fait briller les chaussures des gens en toute autonomie. C’est à la rue Metellus, sous un large parapluie, le dos contre le mur de l’ancien cimetière de Pétion-ville, un peu à proximité du lieu précis où il exerçait avec son père, que monsieur pose sa boite de cirage à partir de 6 heures du matin tous les jours jusqu’à la tombée de la nuit.
Ce métier qui lui permettait tant bien que mal de faire tourner les roues du quotidien et de réaliser certains projets devient assez peu rentable, il y a déjà de longs mois. Ainsi Samuel fait-il face à de nombreux problèmes.
« Avant je pouvais payer mon loyer tranquillement, sans me plaindre, ce n’est plus possible maintenant. J’ai le sentiment de ne pratiquer ce métier aujourd’hui que pour difficilement pouvoir m’acheter à manger » , nous a confié ce jeune homme de 20 ans, qui compte 4 sœurs et 5 frères, les frères s’exerçant pour la plupart dans les métiers de maçon et de puisatier.
Quoique peu d’horizons semblent s’ouvrir à lui, Samuel n’envisage pas de repartir à la campagne. Eberlué d’ailleurs à la question d’un éventuel retour en campagne, il a répondu : « qu’est-ce que je vais chercher « en dehors » ?.. maintenant que je me suis déjà bien installé à Tête de l’eau, j’espère juste de meilleures situations dans les jours à venir », a-t-il dit, arguant qu’il pense laisser bientôt la rue Metellus et partir voir dans d’autres endroits de la ville si les choses ne pourraient pas mieux tourner.