Par Voltaire Jean
Né à Port-au-Prince, résidant depuis 1999 à Pompano Beach, en Floride (USA) où il se confronte, chaque jour, à l’insoutenable légèreté du monde, Garry Mabour, céramiste, sculpteur et peintre, est le dessinateur de nos angoisses et de nos penchants les plus noirs.
Les lignes de ses toiles ainsi que ses volumes expriment cette vision cosmique, assumant à la fois, par leur contraste et leur violence, le caractère surréaliste des formes, et par leur tracé suggestif, la puissance d’un univers onirique où se conjuguent érotisme et destruction. Cherchant, comme chez un Salvador Dali, « à opérer la mutation sublime du mal en bien, de la folie en ordre ».
Mais Mabour, il faut bien l’admettre, n’a pas la paranoïa du dandy espagnol qui s’est lui-même défini, dans son autobiographie, comme « un pervers polymorphe anarchisant ». Chez l’ancien étudiant, appliqué et discipliné, de l’Ecole nationale des Arts (ENARTS), dont le souci est loin de construire « une mythologie personnelle », c’est souvent la parfaite harmonie du bleu, du rouge et de l’oranger qui crée le rythme et renvoie au mystère de l’être.
Nous avons tous en nous, en effet, un côté mystérieux, coloré, parcouru de lignes entrecroisées, évoquant sans la moindre équivoque les blessures et les refoulements constituant la part la plus profonde de nous-mêmes. Et le désir, toujours présent dans sa nudité confondue avec la simplicité redouble le caractère obsessionnel et insaisissable de l’œuvre de Mabour où la forme est toujours le résultat d’un « processus inquisiteur » de la matière. Et où la surprenante liberté d’articulation des images achemine toujours le geste inconscient vers la conscience.
Mabour, qui a débuté par la céramique, a la maitrise de la géométrie. Du centre aux contours, la surface de la toile est souvent pour lui un lieu de construction et de déconstruction. Chaque courbe, chaque angle semblent respirer des mouvements de sa palette. Entre la jouissance et l’extase, des figures stylisées, des motifs puisés dans les abîmes de nos fantasmes, envoûtent notre regard et délimitent le champ dans lequel le plasticien inscrit sa démarche et ses expériences.
Expressions flamboyantes des désirs refoulés, exaltation du beau à travers des reliefs à peine suggérés, représentations critiques et systématiques des harmonies délirantes nous invitant à penser au Dali de « La Persistance de la mémoire », contribuent à créer cette atmosphère onirique où l’œuvre cherche à nous surprendre en interrogeant sa propre existence.