Par Voltaire JEAN
Et qui sait si les fleurs nouvelles que je rêve Trouveront dans ce sol lavé comme une grève Le mystique aliment qui ferait leur vigueur ? Charles Baudelaire
Sous le signe du risque (car c’est osé), Pierre Pascal Mérisier dit Paskö, revisitant la notion du mal chez Baudelaire, entame un nouveau moment dans sa carrière de peintre. Enfermé comme un reclus dans son atelier où nous lui avons rendu visite à Pétion ville, l’artiste bosse, en effet, jour et nuit, cherchant de nouvelles formes, ciselant ses lignes et ses reliefs ; comme si depuis sa dernière exposition « Une forêt en mouvement », présentée par les Ateliers Jérôme à la Maison Dufort à Port-au-Prince (mai 2018 ), événement pourtant bien accueilli par le public, il avait compris la nécessité de travailler au renouvellement de son art et de son inspiration.
Bien sûr, fidèle à son crédo (la peinture comme expression visible des pulsions), entre perversion et soif irrépressible du sacré, entre tabous et l’érotisation du désir- à ne pas confondre bien entendu avec le maniérisme érotisé d’un Bernard Séjourné ou d’un Simil- c’est, encore, dans les profondeurs abyssales du subconscient que Paskö, irrémédiablement attaché au figuratif, cherche à s’affranchir des contraintes de l’expression plastique. Et si son iconographie offre quelque part l’apparence d’être de moins en moins subversive, ce n’est que pour mieux affecter notre regard sur nous-mêmes et sur l’œuvre.
Toutefois, et c’est là une évolution significative, l’univers que Paskö peint, aujourd’hui sous nos yeux, est beaucoup moins onirique, de nombreux êtres, familiers de son bestiaire, disparaissent de plus en plus (l’artiste a fini peut-être par terrasser ses peurs et ses angoisses) pour laisser émerger de nouvelles formes moins hiératiques, plus gaies, plus joyeuses et nettement plus harmonieuses.
À travers un jeu subtil de rythmes, de signes et de motifs totémiques auquel il nous a d’ailleurs habitués, Paskö, l’éternel dandy (dans le sens baudelairien du terme), sait encore comment nous surprendre. Mais le registre change, les référents aussi. Sa palette, se libérant graduellement de l’emprise des couleurs primaires, joue avec des tons plus sobres et beaucoup plus suaves.
Les bêtes cornues et d’autres figures démoniaques, omniprésentes dans les œuvres antérieures, se retirent petit à petit du paysage pour laisser éclore des fleurs, dans une symphonie de bleu, de violet et d’écarlate. Car, comme ce fut le cas pour le mythique auteur des Fleurs du mal, ce qui compte c’est de savoir « extraire la beauté du mal ».
Le mal en tant qu’il est, non pas simplement possible, dirait Paul Ricoeur, mais réalisé. Dans la souillure, peut-être. Le mal vécu comme une flétrissure, échappant à toute conceptualisation. Car Paskö refuse toute idée de l’art dit « conceptuel ».
Le mal commis non pas dans la faute (ce serait une vision trop moralisante), mais subi dans la sueur de la création !