©Photo : Raphaël NACHLYN
Par Coutechève Lavoie Aupont
Des problèmes socio-économiques aux crises de toutes formes, « Rad mare » questionne le quotidien haïtien en général à travers le prisme de l’insécurité et des faillites structurelles de l’Etat.
Passionnée et débordante d’inspiration, Zuma Jasmine Angela LAVERTU est comedienne, avec une spécialité en théâtre forum, elle dirige son travail principalement sur les enfants, les personnes en difficulté et à mobilité réduite ou autre situation d’handicap. Originaire de Petit-Goâve, la ville de l’éminent et immortel écrivain Dany Laferrière qui siège à l’Académie française, c’est là qu’elle a fait ses débuts au sein des structures et associations culturelles, littéraires et artistiques. Elle est membre du Mouvement Littéraire et Culturel at Artistisque des Jeunes, MOLICAJ et du Mouvement théâtral de la Région goâvienne, Mothergo. Sa venue à Port-au-Prince pour faire des études de Droit, à été décisive dans sa formation au théâtre. Cette expérience lui allait lui révéler l’utilité et l’éfficacitè des arts de la scène. Elle avoue avoir vécu toutes les galères et les mésaventures qui lui inspiraient son spectacle « Rad mare », monté et joué, le 2 octobre 2022, à l’EFA-CAP, à l’issu de sa résidence d’un mois.
Des problèmes socio-économiques aux crises de toutes formes, Rad mare questionne le quotidien haïtien en général à travers le prisme de l’insécurité et des faillites structurelles de l’Etat. Zuma a tout passé en revue et s’est arrêtée ensuite sur une de ces priorités : les groupes vulnérables et victimes de violences physiques et/ou psychologiques. Tel est grosso modo l’objectif du projet. Ainsi, elle a pu regrouper et travailler avec une dizaine de jeunes à Petit-Goâve repondant aux critères de sa recherche. Ils/elles qui sont des rêveur/rêveuses de futurs heureux. Venu.e.s à Port-au-Prince puis éparpillé.e.s dans divers quartiers et dans toutes les facultés des universités privées et publiques cherchant un avenir meilleur à forger. Ils/elles qui voulaient simplement étudier, trouver le pain qui sait et comment nourrir l’avenir, et s’accrocher à l’impératif devenir quelqu’un.
Avant d’être un spectacle vivant réunissant chants, poèmes et témoignages, nous explique Zuma, « Rad mare » a débuté comme un cabinet d’assistance spycho-social. Un espace d’intimité et de solidarité, où l’on peut parler, se raconter les expériences, se partager les blessures, les peurs et poser les stratégies pour les surmonter. Les faire cicatriser. Un lieu où les temoignages, les pleurs, les mots ou expressions comme « balles perdues », « viol », « fusillade « , « mort » sont transformés en cris, chants, poèmes, paroles non pas pour être refoulés mais pour devenir énergie créative, résilience, matières à partager, à éduquer.
A l’issue du spectacle de restitution, deux questions résonnent comme un glas dans la tête du public : Qu’est-ce qu’un pays qui terrorise l’avenir, et blesse ses enfants jusque dans la moelle? Que vaut une société qui empute à ses citoyen.nne.s les valeurs les plus élémentaires de la vie?
Etablies depuis 2014 par l’Association Quatre Chemins, les Résidences Par Quatre Chemins favorisent le travail de recherche de jeunes créateurs.trices ou artistes haïtien.ne.s et étrangers.ères dans le domaine de la culture, de la littérature et des arts vivants.
Zuma Jasmine Angela Lavertu, récipiendaire de cette année, s’est penchée sur une situation allarmante et très particulière. Elle a mené du 22 septembre au 2 octobre des ateliers de recherche et de théâtre avec une dizaine de jeunes/étudiant.e.s qui ont accouché un spectacle émouvant. Un message tranchant qui fend le cœur du public et lui arrache les larmes amères de la honte.
« Rad mare » est la voix de tous ceux et celles qui ont choisi d’étudier à Port-au-Prince pour s’ouvrir à la vie et à l’isolement du pays en dehors.