Par Walner Olivier
L’éducateur Max Manigat, membre de l’Akademi Kreyòl Ayisyen (AKA), dans son œuvre « Mots créoles du Nord d’Haïti Origines-Histoire-Souvenirs», parue en 2006 aux éditions Educa Vision, présente aux lecteurs un travail à caractère philologique. L’auteur fait un inventaire d’un ensemble de mots du créole haïtien ayant leur racine dans quelques langues africaines, dont le fongbe, le yoruba et le kikongo.
Le créole haïtien est l’une des dernières langues qui ont vu le jour sur la planète. Né dans un contexte sociohistorique de colonisation, on souligne que la majeure partie de son vocabulaire sont de la langue française. Cette langue préserve la syntaxe des langues africaines, révèlent des auteurs du courant créolistique substratiste. Cependant, un volume de mots dérive du fongbe, de l’éwé et du kikongo, fait comprendre Max Manigat dans son travail d’exploration.
De manière singulière, dans ce livre consacré au créole du Nord d’Haïti, l’auteur présente toute une série de mots propres aux adeptes du vodou provenant des langues africaines. Et, ces éléments du patrimoine linguistique haïtien sont conservés particulièrement par les créolophones vivant dans le milieu rural. Certains d’entre eux, souvent, font l’objet de mésinterpretation de la part de certains locuteurs.
Ayibobo, badyo, ago et baka, sont quatre unités linguistiques dérivées des langues des ancêtres des Haïtiens.
Le mot Ayibobo du créole haïtien (CH) qui est parfois utilisé dans des échanges conversationnels provient du fongbe. Il est une transformation phonologique de ‘’awòbóbó’’, diraient les linguistes. Terme employé pour exprimer une acclamation rituelle, une exclamation de joie ou de satisfaction, explique l’auteur.
Baka. Un mot ayant une valeur connotative en CH. Chaque acception dépend de la situation de son énonciation par un locuteur. Généralement, il sert à désigner un esprit errant dans le vodou haïtien, a fait savoir un vodouisant gardant l’anonymat. Selon Manigat, le baka est le nom d’un petit génie malfaisant. « Être fantastique de petite taille, à la grosse tête, bancal, avec un gros ventre, Il est censé protéger les biens de son maitre. Il peut surveiller magasin, maison ou champ», rapporte l’auteur. Sa racine est le kikongo.
Ago ! Ce vocable paraît être la troncation du mot »Agoye » se trouvant dans le refrain de la chanson ‘Agoye » de l’artiste Jean Jean Roosevelt. Une chanson de rassemblement, de communion. Elle est vue comme un hymne à la fraternité qui tend à renforcer l’adhésion d’un public à des valeurs partagées.
Selon Max Manigat, le mot »Ago » veut dire : Attention ! Excusez-moi. Il est présent dans plusieurs langues africaines dont l’éwé, le fongbé, le yoruba, l’ashanti avec la même connotation qu’en créole haïtien.
Badyo ! À en croire l’auteur qui fait un travail historique de ces mots, badyo est aussi du kikongo « mbadio» qui signifie « bien-aimé ».
Max Manigat propose « Mots créoles du Nord. Origines-Histoire-Souvenirs» afin de saisir l’essence et le sens d’un ensemble de mots du CH d’origine africaine.