Par Mérès Weche
J’étais un gosse à Jérémie quand l’excellent footballeur et moniteur sportif, Maurice Léonce, épousa la fille de Clarifont Sémexant, le boucher de la ville. Au Carré-Marché où cette dernière vivait avec ses parents, il y avait une rangée d’habitations, allant de chez Georges Clérié, à gauche, face à la place Dumas, aux résidences successives, sur la droite, de la commerçante, Madame Anotte, de Monsieur et Madame Georges Colas, de Tante Cécile, des époux Germaine et Stilien Dinac, de Madame Marcelin Pierre, et de Pierre Sonsite Lataillade et Madame.
Né le 10 septembre 1921, Maurice Léonce complète ses 100 ans cette année. Caractérisé jusqu’à aujourd’hui par une allure sportive, presque sans faille, il porte bien son grand âge, et il est dans la ville de Jérémie le dernier témoin de l’inauguration du pont Dumarsais Estimé, il y a 75 ans. Jeune homme de 25 ans, à l’époque, il aura écouté avec un intérêt particulier le vibrant discours prononcé par le poète Jean Brierre en cette exceptionnelle occasion dans la Grand-Anse.
Doué d’une prodigieuse mémoire, Maurice Léonce retient les grandes dates qui ont marqué la ville de Jérémie, en particulier l’année de fondation de la ville, celle de l’église Saint-Louis, ainsi que les circonstances dans lesquelles la petite Amélie, en route pour l’Italie, fut retenue à Jérémie.
En 2012, à l’occasion de la commémoration du 250e anniversaire de la naissance de Thomas Rétoré Alexandre Dumas, né à la Guinaudée, une initiative du Musée Alexandre Dumas, de Villers-Cotterêts, en France, Maurice Léonce aura été le conférencier principal, autour du bassin « Nan-Dumas« , dans les hauteurs de Latibolière et de Sassier. Édifiés, les délégués de la France, encadrés par la Fondation Crusoé de la succession Chavenet, et autres partenaires haïtiens, reconnaissaient à Maurice Léonce la qualité de « mémoire jérémienne« .
Footballeur de grand renom à l’échelle nationale, les exploits sportifs de Maurice font tache d’huile dans les annales du football haïtien. Au parc Saint-Louis, à Jérémie, dans les années 50-60, Maurice Léonce s’illustrait en virtuose du ballon rond et en maître du jeu face à de très fortes sélections du championnat national, telles que les formations de Petit-Goâve, de Léogane et de la Croix-des-Bouquets, auxquelles il donnait du fil à retordre. En pleine partie très serrée, il lui arrivait d’agir à la fois en joueur et entraineur, en indiquant a ses coéquipiers l’angle d’attaque à prioriser à tel ou tel moment de la durée, en leur disant en plein jeu « La défense est en diagonale; la défense est horizontale« , et ainsi de suite.
Aujourd’hui que le sport-roi déifie ses meilleurs joueurs, qui amassent de mirobolantes fortunes, Maurice Léonce demeure une icône, non caractérisée par l’argent, mais qui figure majestueusement au temple de la renommée sportive haïtienne. « Le génie n’a qu’un siècle, après quoi il faut qu’il dégénère« , écrivait Voltaire, mais dans le cas de Maurice Léonce, qui n’a jamais connu d’existence dégénérative et qui, à 100 ans, reste vigoureux et fort, constitue une exception à la règle édictée par l’homme de Ferney. Bonne Fête, et longue vie, Maurice Léonce.