Par Coutechève Lavoie AUPONT
Le jour des morts est pratiqué dans de nombreuses cultures et compte parmi les plus anciennes festivités du monde. Elle est commémorée et subsiste depuis plus de 3 000 ans. Elle est également inscrite au patrimoine immatériel de l’UNESCO. Souvent confondue avec la Toussaint (Solennité des tous les Saints: fête Catholique, célébrée le premier (1er) novembre), la fête des morts, partout, est une belle célébration de la vie.
Rites de passage pour certains. Culte pour honorer les ancêtres et glorifier ceux qui ont foulé le monde avant nous. La mort est une belle fête. Moments de purification des péchés des défunts dans certaines religions. Dans certaines autres cultures ou croyances, ces rituels ou commémorations protègent et ouvrent des portes. Ainsi se crée autour de ces différentes appréhensions un patchwork de mille et une couleurs et de saveurs inouïes.
En Haïti, le version de cette fête la plus répandue, va du premier au deux (2) novembre. Elle célèbre les Guédés qui sont l’esprit de la mort dans le Vodou. Il existe d’autres versions qui considèrent la période de fin octobre jusqu’au mois de décembre, début de la période Makaya. Cette période est l’occasion de bals masqués, de réjouissances de toutes sortes. Sous les péristyle et dans les « Lakou » « Bawon » et « Grann Brijit » règnent sur tous les corps et ambiancent tous les adeptes et enfants du Vodou.
C’est dans cette mouvance de fête, d’hommages aux morts et aux esprits; au milieu des commémorations religieuses et des rites ancestraux que la comédienne Kath, de son vrai nom Kathleen E. Jean Charles, a entraîné un public composé de vodouisant.e.s, amant.e.s de spectacle vivant et de danses. Dans un décor auréolés de bouteilles de piments masserés dans du clairin; des kwi (bols taillés faits avec la calebasse) remplis de « manje Lwa », « manje Gede » , dans ce cas précis, des vivres bouillies et boucannées sur un lit de piments bouk et d’oignons. Parfumés de harengs et de poissons séchés, c’est un mélange de plats décorant le pied de l’autel, à l’entrée du bar.
Posée devant la scène de Barak, au milieu des tambours, celle qu’on découvre en tant que chanteuse entame sa performance avec Pyè Sili du Chanteur-Militant Kébert Bastien. Lunettes noires, bâton, de noir et mauve vêtue, kath a bien réglé son coup. Entre chants guédés et musiques populaires au ton grave et sexuel, la mise en scène n’a rien laissé à la trivialité reprochée au langage des protecteurs des morts. Le corps de Dyckenson Démélus arrive, par mouvements reguliers et souples, pour renchérir la voix des tambours et illuminer la salle. Barak a eu pour son compte. KWA est un hommage à la vie, non seulement mérité, mais surtout une performance des plus remarquables.
Le public, encore longtemps, se souviendra de Valery Rotchild Jeudi, de Saradjie Desenclos et sa famille, de Christopher Charles, d’ Alain Douge; de tous ces noms attachés sur une bande de tissus bleu clair. De ces morts victimes de l’ingérence et du climat de tenèbres qui consument les forces motrices de ce pays.