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Hommage au Club Culturel Explosion
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Hommage au Club Culturel Explosion

 

 

Par Jean Baptiste François

Les années 90 furent pour Jacmel une décade de grand foisonnement culturel et artistique avec une floraison de talents dans divers domaines artistiques. Des prestations théâtrales, culturelles et artistiques monstres se tinrent en tout temps et en tous lieux. Les établissements scolaires faisaient salle comble au Samba Night Club ou autre espace à chaque anniversaire. Les groupes de danse se livraient une rude concurrence les poussaant à travailler pour se tailler une place au top. C’était de bonne guerre. Cela se voyait surtout lors des soirées d’anniversaire. C´était l’époque des groupes tels: “Oxygène, Salsa Concorde, Dynamite puis Explosion qui allait amener l´avènement du groupe Grand Soleil…”.

Le groupe Explosion vit, lui, le jour, le 31 Août 1990 avec la complicité de plusieurs amants de l´art et de la danse en particulier. Me Pascarin Raymond, pris dans cette verve, enthousiasmé, allait prendre les rênes d’un groupe qui est devenu au fil du temps une Institution : une pièce incontournable sur l´échiquier culturel haïtien. Durant 31 ans, le groupe Explosion, aujourd´hui Club Culturel Explosion, a su fermement maintenir le flambeau d´une culture qui est nôtre en explorant les richesses et les merveilles du folklore haïtien issu de rites africains chéris par nos pairs.

En dehors des spectacles délivrés à Jacmel, à Port-au-Prince et dans d’autres villes de province, le groupe s’est aussi fait un nom en République Dominicaine notamment dans le cadre des éditions de la Foire binationale Haïti/République Dominicaine, à Puerto Plata, à Juan Dolio, sans compter les activités à travers le pays. En Août 2019, le Club Culturel Explosion a représenté Haïti avec brio lors de la 14ème édition de Carifesta qui s’est tenue à Trinidad and Tobago.

31 ans plus tard, le Club Culturel Explosion est devenu un Centre de création de talents s’adonnant à la formation de jeunes de tous horizons, de tous sexes et de toutes classes sociales.

Cette année le groupe a émerveillé le monde par ses prestations sur l´Avenue Barranquilla de Jacmel lors du Carnaval de la ville tenu le 7 février et les trois jours gras: 14, 15 et 16 février 2021. Du jamais vu !

Plus d’un s’est lié d’un seul accord pour reconnaître que le groupe a placé la barre très haut. Artistiquement, c’était le top. Le 7 février 2021, soit le jour du Carnaval de Jacmel, les touristes de tous bords, les compatriotes de la diaspora, les internautes, les Jacméliens et les visiteurs ont pu assister à un spectacle de toute beauté. Le charme a opéré, le thème développé ce jour-là rendait hommage aux groupes masqués traditionnels, un clin d´oeil sur ce que la ville projetait comme image dans le temps. Un grand respect aux pionniers, à ceux qui sont et ceux qui ne sont plus et qui se retournent dans leurs tombes quand ils entendent au loin le son du tambour et sentent que quelque part dans la ville un jeune marche sur leurs pas et fait vibrer la foule.

Le 14 février, le jour de la Saint-Valentin, l´amour était au rendez-vous et les costumes présentés ce jour-là montraient clairement qu´il y avait dans l’air des sentiments qui accrochaient les cœurs. Les filles du CCE, toutes de rose et blanc vêtues, invitaient les gentlemen à les aborder et leur envoyer des cartes et des petits mots doux.

Le 15 février soit le lundi gras, Le CCE a encore frappé un grand coup et présenté un thème qui touchait du doigt un fait délicat et sérieux: la mort de nos cocotiers. Jacmel, ville encastrée dans la baie de Yaquimel fut dans le temps un espace verdi et bordé de cocotiers, ces palmiers sous lesquels l´on venait se reposer et qui constituaient un refuge, un abri et un repaire pour les citadins, les élèves et étudiants, les poètes ou les amoureux. Nos cocotiers ont disparu laissant place au béton qui a dénaturé le milieu. Quoi de plus triste! Avec cette représentation le CCE a voulu alerter l´opinion publique et l´État haïtien sur une situation qui requiert des mesures pressantes, urgentes voire célères. Oswald Durand, poète haïtien, s´en plaignit déjà. Dans “Rires et Pleurs”, ébauche parue en octobre 1901, Durand retraça avec affliction la mort de ces arbres majestueux qui faisaient partie de notre identité.

La mort de nos cocotiers

Un extrait:
Grands palmiers, hôtes des chauds rivages,
Géants des plaines et des monts,
Arbres des voyageurs, fils de nos bois sauvages,
Ô cocotiers que nous aimons!
…Non, tu ne mourras pas, ô liberté! —
Quand même Sous le souffle d’un vent mortel
Nous verrions se flétrir le palmier, ton emblème,
Nos cœurs resteraient ton autel !
Non, tu ne mourras pas !
Si des mains assassines Osent couper ton noble tronc;
Toussaint te nomme l’arbre aux vivaces racines:
Tes verts rameaux repousseront.

Le 16 février, le dernier jour du carnaval, le CCE a joué la carte de la fantaisie et de la nostalgie. Le thème choisi fit le bonheur de tous ceux-là qui ont vécu l´époque du beau carnaval jacmélien, cette époque où les familles étaient valorisées, cette époque où le Jacmélien se déguisait juste pour la passion et le plaisir, cette époque où l´innocence et l´insouciance avaient tout leur sens. Un hommage a été rendu au carnaval des petits, au carnaval de la jeunesse, aux Jouvenceaux et aux Invincibles qui choisissaient avec soin et minutie leurs Rois et leurs Reines. La place d´Armes Toussaint Louverture s´érigeait en centre de rendez-vous et la population accourait pour venir découvrir et admirer les seigneurs de l´arène dans leurs beaux apparats avant que les orchestres vinrent les récupérer pour la grande ballade toute en musique. Ces jeunes allaient être le temps de l´époque carnavalesque l´égérie ou l´image de la formation musicale. Douce époque.

Pascarin Raymond, dans ses dires, a voulu véhiculer les valeurs qui ont fait la force du carnaval de Jacmel: amour, partage, solidarité, fierté et sacrifice. Juste pour nous dire que: " Kanaval Jakmèl se yon patrimwan, ann pwotejel ".

On se courbe devant la personne que vous êtes, Me Pascarin. Honneur à vous qui avez su nous replonger dans la ferveur des carnavals et des belles images du temps passé.

Vous nous priez aujourd´hui de remercier la main sur le coeur : “Mme Falière Cormier, Mme Victor Cadet, Mlle Léonie Lapierre, Pierrot Fiotte, Labbé Placide, Mme Carnot Cadet, Gérald Lafontant, Alex Lafontant, Francinet Lafontant, André Desrosiers, Justin Momplaisir, Mathurin Gousse, Jean Élie Gilles, Michaëlle Craan, Michelet Divers, Joan Dithny Raton,  Jn Michel Lapin,Joseph et Wencesclass Lambert, Pascarin Raymond, Lionel Simonis, Didier Civil, Vady Confident, Blaise Élie, les artisans, Jean Garcia, Frantz Fenton, Michelet Pierre-Louis, Carmélo Pierre-Louis, Jacques Khawly, Edwin Zenny, Ricot Domond, Morin Muzac, Émile Férot, Joël Khawly, Irvelt Afriani, Jack Junior Khawly, Willy Innocent, Chantale Pierre, Nicole Lumarque, Lyn Raymond, Emmanuel Ménard, Mme Gladys Figaro, Masséant, Kelly, Wouya, Kèvèvèl, Etzer Lindor, Coquitte Étienne, Placide Hervé Alcindor, Paka Pala, Ronald, Vacky, Labbé, Jean Rrobert Madi Grab Bèf, Salnave, Fritz Lubin, Carrénard Juif errant, Michel Ladouceur, Mme Lamartine Pierre-Louis, Antonio Momplaisir, Le lac, La Poule, La jeunesse au plaisir, Piman Bouk, Relax Band, Bèl Moun Band, Feeling Band, Amounou, La Gaieté, Baz Max Power, Enpenpan, les Jouvenceaux, les Invincibles, Super Congo entre autres groupes et personnalités aussi vaillants que généreux qui, de par leurs actes passionnés font de ce carnaval ce qu´il est aujourd´hui; admiré et envié à la fois.

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