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La Grande-Anse dans sa grande épreuve
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La Grande-Anse dans sa grande épreuve

Par Mérès Weche

 

En savourant un très beau texte poétique de mon ami, le Jacmélien Louis Berrouet, j’ai découvert deux citations d’auteurs de très grande renommée, en l’occurrence Victor Hugo et Federico Garcia Lorca. Si le premier, dans « Oceano Nox« , trouva les mots justes pour traiter des drames de la mer, le second, dans une poésie de chair et de sang, fustigea avec virulence les lynchages de Noirs à Harlem dans les années 30. Aux côtés de Langston Hugues, de Malcom X, de Richard White et de Jean Brierre – l’homme du Black soul -, Garcia Lorca, ce jeune poète espagnol, définissait ainsi la poésie « La rencontre de deux mots que personne n’aurait pu imaginer ensemble« . Nul besoin de se casser la tête pour trouver ces deux mots, car ils sont de nature purement mythique; imperceptibles avec les yeux de chair, indissociables dans leur union sacrée, inaltérables dans leur symbiose éternelle.

 

Quant à Victor Hugo, il prit le mot « musique«  et l’étira aussi long qu’un alexandrin pour dire «  … La musique est la vapeur de l’art. Elle est à la poésie ce que la rêverie est à la pensée, ce que le fluide est au liquide, ce que l’océan des nuées est à l’océan des ondes« .

 

Chez nous aujourd’hui, à Jérémie, la cité des poètes, il n’y a pas de mots pour traduire les « maux«  qui accablent notre ville meurtrie. Pour paraphraser Garcia Lorca, les « deux mots qui se rencontrent«  en ces jours sombres dans la cité de Jean Brierre, ce sont « séisme«  et « tempête« ; le premier pour lui couper la tête avec la propre épée de Saint-Louis, et le second pour la plonger dans une trempette d’eau bouillante de peines et de misères, pendant que la grande majorité des Grand-Anselais et Grand-Anselaises ont la gorge sèche par absence d’eau potable.

 

Pour revenir à Victor Hugo qui étira le mot « musique«  comme un élastique, dans une conjonction de notes d’art, de poésie et de rêverie, j’apprends qu’à Beaumont le musicien traditionnel Frère Dejean, virtuose à l’accordéon, est l’un des grands blessés de ce séisme. Sa vie a été prolongée par miracle, tandis que Clermante, sa muse inspiratrice, n’a pas eu la vie sauve dans cette maison de répétition dominicale qui s’est effondrée sur eux dans le quartier de Cassanette, première section communale de Beaumont. Aux dernières nouvelles, Frère Dejean continue à tapoter sur le clavier de son nouvel accordéon à lui offert par la grande musicienne haïtienne Alzire Rocourt.

 

Bientôt, au siège de la « Fondation Vieux-Vent Caraïbe«  – une choucoune en plein cœur de ce quartier éprouvé -, qui sert d’abri provisoire aux victimes du séisme, Frère Dejean, ce miraculé, continuera fort heureusement à jouer des doigts sur son nouveau clavier qu’il maîtrise à merveille.

 

« Tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir« , dit le vieil adage. Ainsi, la poésie et la musique, deux sensibilités éternelles, vont toujours venir à la rescousse de celles et ceux qui souffrent dans leur âme. Clermante revivra à travers les notes essentiellement vitales de Frère Dejean.

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