Par Mérès Weche
Le terrible tremblement de terre du 14 août 2021 qui a fortement démantelé le Grand Sud du pays m’a intimement interpellé. Mon âme en sort ébranlée, non seulement pour avoir personnellement perdu une maison à Beaumont, destinée à l’art et à l’artisanat, mais aussi pour avoir vu en état de délabrement la construction de l’édifice destiné à loger la Bibliothèque patrimoniale de la ville.
Dans l’espace d’une soixantaine d’années, favorisée par une production extensive du café, Beaumont a vu son économie connaître un essor considérable, et elle passa vite de chaumières aux murs de maçonnerie en constructions à toiture de tôle. Au fur et à mesure, les maisons à « dalle de béton« , qu’on pouvait compter sur les doigts de la main, se sont imposées comme signes d’aisance et de développement. Honte à ceux et celles qui n’en avaient pas.
En écrivant ce texte, je mets de côté ma fonction d’écrivain pour prendre celui de topographe et de dessinateur en génie civil, diplômé de l’Institut Supérieur Technique d’Haïti, communément appelé Chez Leconte. C’est ce double diplôme qui m’a valu, en 1976, la résidence permanente au Canada, depuis Haïti.
C’est comme un choc que j’ai subi dans mon for intérieur pour voir se réveiller en moi les notions d’équipements de mesures, de types de terrains rocheux et argileux, ainsi que les essais, les doubles et simples pentes qui entrent en ligne de compte dans la construction des maisons. Sans être un spécialiste en sismologie, le topographe avisé est sensibilisé au langage des failles; il sait ce que sont les zones de cisaillement, les développements en régime compressif, aussi bien que les raccourcissements et épaississements, en termes de repères stratigraphiques.
Il y a deux mois environ que j’ai entamé une construction légère à toiture de tôle dans le quartier de Cassanette à Beaumont, ville située sur le flanc nord de pic Macaya, à 640 mètres d’altitude à partir du niveau de la mer. Zone exposée aux effets désastreux des cyclones, la montagne de la Hotte a toujours nécessité des constructions solides en béton armé. Mais, depuis les sensibilisations sur un éventuel dégagement d’énergie dans la faille Enriquillo, qui traverse le Grand Sud, je ne cessais de faire la promotion du toit en tôle, en donnant moi-même l’exemple à Cassanette.
Les types de terrains en montagne qui ont connu des éboulements à Beaumont et Pestel sont à peu près ceux-là qui sont figurés ici, montrant des failles normales et inverses, dont les compartiments supérieurs ont été soulevés, entraînant ainsi des mouvements de déplacement dits « d’une montagne à l’autre« .
Il est venu le temps pour les responsables nationaux de faire preuve de leadership, en imposant au pays des codes de construction, et même des modèles d’habitats par zones, pour éviter que de telles hécatombes ne se reproduisent en pareil mouvement sismique.