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Qui est Filipo, le sculpteur haïtien de la statue de Modeste Testas, à Bordeaux ?
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Qui est Filipo, le sculpteur haïtien de la statue de Modeste Testas, à Bordeaux ?

Par Jean Emmanuel Jacquet

En 2019, pour marquer deux évènements : l’abolition de l’esclavage et le trafic des esclaves, une statue de Modeste Testas, une esclave qui a vécu au XVIIIe siècle, a été inaugurée au quai Louis XVIII, le 10 mai dernier, par la mairie de Bordeaux, en France. Une œuvre hautement représentative, de 1m70, réalisée par le talentueux sculpteur haïtien, Woodly Caymitte dit Filipo. Rencontre avec cet artiste prometteur, formé à l’Ecole Nationale des Arts (ENARTS), à Port-au-Prince.

Sibelle Haïti : Vous avez réalisé cette œuvre de Modeste Testas qui parcourt aujourd’hui le monde. Avec quel sentiment vivez-vous cet exploit ?

Woodly Caymitte : Trop content de marquer l’histoire à travers mon art. C’est un sujet sensible sur Bordeaux, à une époque où les descendants d’esclaves et les victimes de ce passé monstrueux, luttent pour faire reconnaitre l’affront causé par le système esclavagiste. Le fait donc d’y participer en tant que sculpteur m’a permis de faire valoir aux yeux du monde ma capacité comme artiste. C’est ainsi que j’ai pu laisser entrevoir une mémoire tout à la fois fragile et éternelle.

S.H. : Vous avez saisi une figure combien importante dans l’histoire de la colonisation. Les rapports avec la Métropole. Ce n’est donc pas une première pour vous de mettre la sculpture au service de l’histoire ?

W.C. : J’en suis bien conscient. En effet, j’en ai fait d’autres œuvres qui ont peut-être moins d’ampleur, au niveau international, puisqu’elles intéressent plus un public national. Pour l’international, c’est ma première fois, et déjà j’ai deux œuvres importantes là-bas : le buste d’Antoinette à l’hôtel de ville de Bordeaux et la statue de Modeste Testas qui est sur le quai Louis XVIII.

S.H. : Pouvez-vous nous parler un peu de quelques pièces que vous avez réalisées ici en Haïti. Ayant rapport ou pas avec l’histoire nationale ?

W.C. : Déjà, il y a une œuvre qui rend hommage à Barnadé et Manzè, dans le cadre de l’octroi de la distinction Mapou d’or, une initiative de l’association Encre d’or. Ensuite, il y a le personnage Guito Toussaint, en hommage à cet ancien directeur de la Banque Nationale d’Haïti, lâchement assassiné. Etc.

S.H. : Parlez-nous de votre parcours académique?

W.C. : Je suis diplômé de l’Ecole Nationale Des Arts (ENARTS), à Port-au-Prince. Ensuite, j’ai une formation à l’Institut Superior del Arte (ISA), à la Havane (Cuba). Enfin, une spécialisation à la Fonderie des cyclopes à Bordeaux (France).

S.H. : Avez-vous un modèle dans votre métier?

W.C. : Mon véritable modèle est mon ancien professeur, le feu Ludovic Booz que je rends ici hommage.

S.H. : La sculpture a-t-elle de l’avenir en Haïti ?

W.C. : C’est un métier qui, pour moi, est en difficulté dans le monde. Je veux parler de la sculpture classique. Ici, en Haïti, tout dépend de la politique culturelle de l’Etat. Mais déjà, il y a de moins en moins de jeunes qui font aujourd’hui de la sculpture.

Sibelle Haïti : Vos projets ?

Woodly Caymitte : Mon projet global, c’est déjà d’arriver à aider les jeunes Haïtien.ne.s, en les initiant à des cours professionnels de soudure, de menuiserie, de moulage, de collage, de plomberie, … etc. tout en leur montrant qu’avec ces métiers, la réussite peut aussi être à portée de main. Aussi, je souhaite monter, en Haïti, une fonderie artistique.

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