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Regard orienté sur Jessica Nazaire et Adlyne Bonhomme, deux jeunes voix féminines de la poésie haïtienne contemporaine
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Regard orienté sur Jessica Nazaire et Adlyne Bonhomme, deux jeunes voix féminines de la poésie haïtienne contemporaine

Par Adelson Elias

Le poème toujours livre son corps au poète sans qu’il le traîne dans le lac trop étroit de ses caprices habituels, sans mystère visible au désir des mots, quand son objet relève de la quête d’un poumon contre l’étouffement qui prend d’assaut les quartiers de l’âme qui écrit. Quand son objet est un dévoilement de la vie gênée. De la vie gelée. Cernée à tous les virages possibles.

Le terrible, saisi par les mots, sans fioritures et avec âpreté rend, me semble-t-il, toujours perplexe et presque transi devant le spectacle merveilleux du verbe. Comme si du malheur, parfois naissait un sentier ou surgissaient perles bleues ou flaques d’eau dans le mitan du jour.

La langue poétique semble plus forte quand l’énervement est rond qu’elle étale le long du corps de la page. Quand le poignard de l’insensible des hommes atteint, tout compte fait, la chair blanche du désespoir.

Voici pour preuve, ces quelques lignes extraites du recueil « Pwa grate » de Jessica Nazaire, paru chez Les éditions de la rosée en 2019:

« Depi lapli tonbe nan peyi m
tout ri ki pot anpwent leta pran touse
se pa lanmè k ap bat zèl li
ni tou se pa lougawou ki fè fo pa
Santans peyi m twòp pou twòkèt li »

****

« Tout rèl mwen mache kontre
Zetwal k ap pran jòf
anba wob Pòtoprens »

Certains lecteurs, pressés, diraient n’y voir que l’offrande d’un carnet rose. Le procès verbal d’un récit personnel. À deux doigts d’être égoïste. Récit d’un corps qui attend un autre corps dans la nuit. Ou d’une main qui ne répond pas à des lèvres brûlées des eaux froides de l’attente.

C’est, je vous fais don du secret, dans les méandres, dans les entrelacs des lignes, entre un soupçon de gestes froids et l’inévidence d’une métaphore questionneuse, voire questionnable qu’il faut partir chercher les coups de gueule de Adlyne Bonhomme devant la bêtise humaine. Ses vertiges devant tant de rêves assassinés. Ses clacs devant tant de soif de vivre in-étanchées. Le cri dans son « Éternité des cathédrales  » est pommé dans l’humus d’un sensuel inouï, qui va à pieds dans la ville. Qui va à pieds dans les villes.

Voici pour tout corroborer un morceau extrait de « L’éternité des cathédrales » paru cette année sous le label des éditions de la rosée:

« Me voici blessure accrochée
sur la fenêtre de ton corps
Gravée sur ta lune
Enroulée dans tes regards
Comme tes frais baisers sur ma langue »

« Me voici geste dans le vide
Je suis la ville
Tressée de cris dans le doute
Me voici rêve et soleil amer
Raconte-moi le jour
Dans l’alphabet de la cendre »

Adlyne et Jessica donnent rendez-vous au « Jaden sanba » le 10 novembre prochain, pour une opération de mots au plus beau sens du terme. L’occasion donc de rencontrer deux âmes passionnées, qui semblent ne jurer que de « grimper après les voyelles ».

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