Now Reading:
« Vann mennen » , de l’art pour contrer la xénophobie en Guyane
Full Article 4 minutes read

« Vann mennen » , de l’art pour contrer la xénophobie en Guyane

Par Widgénie Ulysse

 

« Le peuple haïtien est un grand peuple », disent souvent les étrangers qui connaissent l’histoire de cette terre qui a vu la première rébellion à succès d’esclaves noirs ayant conduit à l’épopée de 1804. L’intellectuel Jean-Price Mars, dans sa fierté d’être fils de la première république nègre du monde, ira plus loin et dira de ses compatriotes, « un peuple qui chante, et qui soufre, qui peine et qui rit, un peuple qui rit, qui danse et se résigne » (Ainsi parla l’oncle, 1928).

Même quand les problèmes socio-politiques, socio-économiques aussi bien que le besoin de poursuivre des études universitaires poussent des milliers d’haïtiens à laisser la Terre de Dessalines pour s’émigrer vers des horizons beaucoup plus fructueux, ils continuent d’affronter les vicissitudes de la vie sur leur terre d’accueil avec courage. Ils chantent, dansent, rient pour mieux faire face aux souffrances et aux peines.

Les conditions de vie des haïtiens dans la diaspora sont souvent marquées par des événements malheureux. Discrimination, humiliation, marginalisation, harcèlement ou rejet sont les types de traitements qu’ils reçoivent dans la plupart des pays. Si les images des déboires de nos compatriotes en République Dominicaine ou aux Bahamas sont ceux qui nous arrivent le plus souvent et nous choquent énormément, leur situation n’est pas si différente de celle des autres compatriotes dans certains pays.

Le mardi 11 mai 2021, aux environs de 5h P.M. en Guyane Française, Auguste Joseph, Rolem Gourdet, Sonel Clerfils, Sondy Moss, 4J Rolph, Dorice Clerfils, Yvenel Bazile, Nitza Cavalier, des jeunes haïtiens lassés de l’attitude des guyanais face aux immigrants haïtiens à qui ils collent l’étiquette ironique et discriminatoire de « Van Mennen », ont donné une performance artistique à la Gare Routière de la ville de Cayenne pour tenter de faire véhiculer un message fort et symbolique à l’endroit des guyanais.

Lecture de textes, interprétation de chants vaudou, soupirs, cris de douleurs, expressions corporelles, tel a été la toile de fond de ce spectacle improvisé. Vue la dénomination de Van Mennen, la troupe menée par Nitza Cavalier, 4J Rolph, et Dorice Clerfils a dessiné sur le sol un vèvè, ce beau symbole propre à la religion vaudou; c’était leur façon à eux d’évoquer Papa Loco, la divinité des arbres souvent associée au vent. La chanson « Papa Loco, Ou se Van » de la fameuse chanteuse haïtienne Toto Bisainthe a été choisi pour la circonstance.

Le choix de la gare routière pour produire ce spectacle n’était pas innocent. Des centaines de personnes de groupes ethniques différents s’y rassemblent tous les jours pour prendre l’autobus. Les organisateurs qui avaient discrètement lancé l’invitation aux haïtiens vivant en Guyane, voulaient s’assurer que la communauté guyanaise et celles des autres pays captent le message. Ils ont choisi d’utiliser les beaux-arts pour se faire voir et entendre par ceux qui leur témoignent souvent du dédain. « L’art continuera de porter nos messages partout où nous passerons. Il a toujours été une thérapie, et hier nous l’avons utilisé afin de nous guérir des blessures engendrées par la Xénophobie en Guyane », furent les mots de Nitza Cavalier, l’un des membres organisateurs de cet évènement.

Ces jeunes ont aussi profité pour pointer du doigt l’irresponsabilité et l’incompétence de l’État haïtien comme principal responsable de la migration massive des jeunes valeurs haïtiennes vers d’autres pays.

Le spectacle a duré à peu près une heure. Les haïtiens à Cayenne qui y ont participé sont autant plus satisfaits que les organisateurs. Ils voient dans ce genre d’initiative un moyen pacifique mais symbolique pour réclamer le respect des droits de leurs sœurs et frères d’origine. « Espektak sila enpotan anpil. Li fè ayisyen rejwenn valè yo nan peyi La Guyane. Map pwofite di tout ekip la pa dekouraje paske se piti piti zwazo fè nich li. Mwen kontan anpil paske mwen wè gen moun nan sosyete a kap mete ayisyen ak kilti nou an valè », ainsi s’exprima Hyppolite Stenson, en vue d’exprimer sa satisfaction et sa reconnaissance envers les organisateurs de ce noble spectacle.

Laisser une réponse

Your email address will not be published. Required fields are marked *

Input your search keywords and press Enter.