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Fin du programme de résidences du Centre PEN-Haïti « Droits de l’Homme et perspectives des femmes »
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Fin du programme de résidences du Centre PEN-Haïti « Droits de l’Homme et perspectives des femmes »

Par Nicnide Cole Cameau*

La troisième et dernière session du programme de résidence d’écriture du Centre PEN-Haïti s’est terminée en beauté le dimanche 25 juin, par la double restitution de Sandy Innocent et d’Albertina Joassaint. Cette activité, qui a eu lieu dans les locaux de l’institution, marque également la fin de l’ensemble du programme de résidence « Droits de l’Homme et perspectives des femmes ». Les résidentes de cette session, satisfaites et heureuses, s’engagent à promouvoir l’écriture et la littérature haïtiennes en devenant bénévoles au Centre PEN-Haïti.

Atelier de restitution animé par Liz Naïka Sajuste

Ce projet de résidence d’écriture a été lancé par le Centre PEN-Haïti en janvier 2022 et a été financé par l’ambassade de France en Haïti et la Fokal. Il offrait à des auteures haïtiennes une bourse d’écriture leur garantissant une résidence d’un mois au Centre ainsi qu’un soutien financier, dans le but de concrétiser leur projet d’écriture. Au cours de l’année 2022, les deux premières sessions ont eu lieu avec la participation de six résidentes. Parallèlement, l’institution a également organisé des formations sur l’audio-diffusion. Certaines des participantes à ces séminaires en podcast ont bénéficié d’une bourse pour l’écriture et la réalisation de leur projet de podcast.

La troisième et dernière session de résience s’est déroulée de janvier 2023 à juin 2023. Pendant cette période, le Centre PEN-Haïti a accueilli dans ses locaux quatre boursières qui ont effectué leur résidence tour à tour. Cela porte à un total de dix résidentes pour le programme.

Nicnide Cole Cameau au Centre PEN-Haïti

En tant qu’étudiante finissante à la Faculté de Linguistique Appliquée de l’Université d’État d’Haïti, Nicnide Cole Cameau a bénéficié de cette bourse et a effectué sa résidence entre janvier et février. C’était l’occasion pour elle de travailler à l’écriture de son mémoire de licence intitulé « L’influence du créole sur l’apprentissage du français oral par l’écolier haïtien ». Ce travail s’inscrit dans le cadre de la didactique des langues en Haïti et vise à étudier la présence d’écarts interlinguaux chez l’enfant apprenant le français langue seconde (FLS). En tenant compte du fait que la langue première de tout apprenant est présente dans son apprentissage d’une langue seconde ou étrangère, et en prenant en compte le degré d’immersion des élèves en langues française et/ou créole en classe, nous proposons d’étudier dans quelle mesure le créole, langue première des apprenants, influence-t-il leur apprentissage du français, notamment en production orale.

Entre février et mars, Liz Naïka Sajuste, étudiante en troisième année d’Anthropo-sociologie à la Faculté d’Ethnologie de l’Université d’État d’Haïti, a effectué sa résidence. Elle a profité du cadre tranquille de l’espace pour rédiger son premier roman intitulé « Berzulie ». À travers ce roman, elle propose une réflexion sur les violences conjugales. « La violence est partout (…). Elle a souvent un nom, un visage, une âme et des amis. Ces amis sont ceux qui restent muets face à l’évidence, qui se terrent dans la connivence des traditions fragiles qui perpétuent le mal dans notre société. En tant que bonne amie, je suis restée muette lorsque l’homme de la maison infligeait des sévices à sa femme. Une pratique courante dans les foyers en Haïti. La femme ne grandit jamais, elle s’égare rapidement, elle a besoin qu’on lui montre le droit chemin, c’est le rôle de l’homme de la maison, qu’il soit père, frère, mari ou même pasteur. Une réalité dépassée, dira-t-on ? Mais non, elle est là, elle grandit, elle prend corps partout où (…) la violence conjugale est acceptée et perpétrée. »

Sandy Innocent et Albertina Joassaint au Centre PEN-Haïti

Entre mars à avril, c’était au tour de Sandy Innocent, étudiante en master à la Faculté d’Ethnologie, de faire sa résidence. Son projet de mémoire, axé sur le pentecôtisme haïtien, et plus particulièrement sur le mouvement « Armée céleste », est intitulé : « Étude ethnographique du travay ame au sein d’une église de l’armée céleste à Delmas ». Cette recherche vise à répondre à la question suivante : « De quoi se composent les pratiques du rituel « travay ame » qui, du point de vue extérieur, est l’élément distinctif des églises de l’armée céleste du pentecôtisme classique ? ». « L’Armée Céleste est un mouvement religieux qui a émergé d’une scission de l’église pentecôtiste haïtienne, branche du protestantisme. Bien qu’elle partage les principales valeurs théologiques du pentecôtisme haïtien, telles que le baptême du Saint-Esprit, son rituel présente des éléments distinctifs rappelant le vodou haïtien. Il s’agit d’un mélange unique de vodou haïtien, de pentecôtisme haïtien et d’influences militaires. L’Armée Céleste continue de se développer dans la société et est connue pour ses pratiques thérapeutiques basées sur les manifestations du Saint-Esprit. »

Albertina Joassaint au Centre PEN-Haïti

Albertina Joassaint, la dernière résidente, est également étudiante en anthropologie sociologique à la Faculté d’Ethnologie. Son travail, intitulé « Rituel, croyance : la place des morts dans l’imaginaire haïtien à Marbial », a été l’occasion d’explorer une thématique rarement étudiée dans la recherche en Haïti. En effet, « [l]a mort et le mourir ont été un sujet central dans les recherches de certaines sociétés comme la France ou les États-Unis dans les années 1950. En Haïti, la littérature scientifique semble être minime dans ce domaine. Pourtant, tout semble indiquer un attachement à la mort dans cette société, étant donné que celle-ci est liée à l’existence humaine (Louis Vincent Thomas cité par Laroche, 1975) et laisse entrevoir des facettes surprenantes. Les analyses découlant du rapport à la mort permettent notamment de comprendre les rapports entre les vivants. Ainsi, la mort a une dimension sociale et culturelle. La question du lien social et de la réintégration (pour les endeuillés) se pose. Par l’observation des rapprochements de sépultures aux demeures familiales dans la Vallée de Marbial, il est possible de comprendre le rapport à la mort et comment cela influence la vie des habitants ainsi que le maintien d’une structure sociale. » Elle a pu approfondir ses recherches sur les rites funéraires dans la vallée de Marbial, notamment sur « la façon d’organiser les funérailles, les veillées, les traitements du corps, les pratiques effectuées après les funérailles, ce que cela signifie ou apporte lorsqu’un proche est inhumé dans la cour [familiale], le temps [consacré] à cette pratique (inhumé chez soi) ; ceux qui ont le droit d’être inhumés chez [eux], quel est le rôle d’un proche mort pour les vivants, un autre lieu où les gens peuvent être inhumés, à quand remonte les cimetières familiaux (si bien que les habitants [en font] mention) et les premiers à être inhumés, d’où viennent-ils ? »

Des séances de restitution et des ateliers d’écriture animés par les résidentes

Comme prévu, chaque résidente a animé un atelier d’écriture autour de son expérience et présenté le résultat de ses travaux à la fin de sa résidence. Le 7 mai, Nicnide Cole Cameau a animé un atelier de formation à la rédaction scientifique et a présenté les résultats de ses recherches sur l’enseignement-apprentissage du français au second cycle des classes fondamentales en Haïti.

Quelques semaines plus tard, le 11 juin, Liz Naïka Sajuste a animé un atelier d’écriture sur le thème « Comment écrire une nouvelle littéraire ? ». Elle a présenté la nouvelle littéraire aux participants et a expliqué les techniques de rédaction. Ensuite, l’audience a eu le plaisir de découvrir un extrait de son roman « Berzulie ». Cette journée d’écriture et de restitution a été un véritable succès et a permis aux amateurs de littérature de découvrir des techniques pour écrire une nouvelle littéraire ainsi que le talent émergent de Liz Naïka Sajuste.

La dernière journée de la série de restitution a mis en vedette les deux dernières résidentes. Madame Joassaint a commencé par présenter son travail sur le rapport à la mort et ses implications sur les liens sociaux entre les vivants. Elle a ensuite partagé des conseils pour mener à bien une enquête socio-anthropologique, issus de ses recherches dans la vallée de Marbial. La parole a ensuite été donnée à madame Innocent, qui a partagé son expérience lors de l’enquête qu’elle a menée dans le milieu pentecôtiste des Armées Célestes situé à Port-au-Prince. Cette présentation a suscité une discussion animée sur les activités mystérieuses de ce groupe ainsi que leurs particularités.

Cette double restitution marque ainsi la fin de cette série de résidences d’écriture financée par l’Ambassade de France en Haïti et la Fokal. Les sujets abordés, tels que la violence conjugale, l’enseignement du français en Haïti, le rapport à la mort et l’activité du groupe des Armées Célestes en Haïti, attestent la richesse et la diversité des travaux d’écriture de ces résidentes. En somme, nous reconnaissons que la dernière session a été une réussite. C’est pourquoi nous avons le vif désir de voir ce projet se pérenniser et offrir à d’autres femmes l’opportunité de prendre la parole sur les sujets qui leur tiennent à cœur.

Les résidentes n’ont pas caché leur satisfaction face à cette bourse. Albertina Joassaint, la dernière boursière, a exprimé sa gratitude en ces termes : « Ma résidence a été une réussite. L’espace était agréable et j’ai pu me concentrer davantage. Cette bourse assure en grande partie l’avancement du travail. Et je vois tout l’intérêt de continuer avec cette initiative, car être accompagné en phase de rédaction de mémoire ou de projet littéraire enlève nombre de soucis qui pourraient retarder le travail. » De plus, ces boursières convaincues de l’impact social des activités du Centre PEN-Haïti sur la communauté haïtienne ont toutes choisi de rejoindre l’équipe des bénévoles de l’institution.

Tout ceci prouve combien le soutien des bailleurs de fonds a été précieux. Nous leur en sommes reconnaissants et en profitons donc pour leur exprimer nos remerciements.

*Attaché de communication au Centre PEN-Haïti

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