Now Reading:
Josepha Dumas, un dialogue palpitant entre le temps et l’espace
Full Article 7 minutes read

Josepha Dumas, un dialogue palpitant entre le temps et l’espace

Par Lord Edwin Byron

Josepha Dumas vient de publier son portfolio de dessins artistiques (93 pages). Avec des paysages et des scènes irradiés par la lumière du soleil et animés par les couleurs de la végétation luxuriante des jardins, elle propose un travail qui ne manquera surtout pas de fasciner les passionnés des arts visuels. Ses sujets picturaux: lune, soleil, rêve, voyage, les uns aussi frappants que les autres, traduisent, dans une ambiance de lumière et de plein air, son appartenance identitaire à partir d’un dialogue harmonieusement entretenu entre l’espace et le temps.

Dans sa démarche qui ne se confine ni au figuratif ni à l’abstrait, à proprement parler, Josepha Dumas, diplômée de l’Université Concordia à Montréal, s’accroche plutôt à une certaine symbiose pour la mise en spectacle des paysages qui l’ont toujours habitée et qui l’habiteront encore longtemps. En ce sens, elle est portée par une forte sensibilité que seule l’expérience de l’art émotif semble pouvoir traduire. Son œuvre, aussi stylisée et assez décorative qu’elle paraisse, s’inscrit, sans nul doute, dans la perspective première d’insuffler de l’énergie et de la force dans tout ce qui se rapporte aux sentiments humains. Comme partagées entre un regard soutenu et des images fantomatiques, les œuvres invitent tant à la patience qu’à la perplexit鬬¬¬.

Le soleil et la lune, entre symbole et topos artistique

Bien des éléments naturels servent d’ancrage à la passion de l’artiste qui fascine par la vitalité de ses figures, les clairs obscurs et la densité de composition. La lune, pour sa part, est considérée comme une destination singulière. Dans l’œuvre « On The Edge Tilting vers La Lune », deux personnes sont à bord d’une embarcation en direction de la lune. Il est ici évident que la lune vue comme étant un » topos » pour bon nombre de poètes et de peintres des XVIII et XIXe siècle, de par son symbolisme mythique, représente pour Josepha Dumas un lieu d’évasion, d’illumination et de quête spirituelle.

Par ailleurs, la dessinatrice présente le soleil, le brûlant soleil de sa terre natale, comme un élément porteur d’énergie, une source intarissable d’inspiration. Il en dégage aussi un certain mystère, une intranquilité certaine. Croqué d’après ses propres souvenirs, son tableau « Yap Jwe Tout Kote en Plein Soleil » est tout à fait une façon de se réinventer une ambiance propre à l’imaginaire collectif haïtien selon lequel la lumière du soleil permet de se requinquer l’esprit et de revigorer le corps.

En dehors de chez-soi, une toute autre expérience artistique…

L’artiste utilise toutes les techniques à sa portée et met à profit le brouhaha planétaire. Sa curiosité déborde de chaleur et d’insatisfaction. Combinant un intérêt pour la nature ou l’environnement et l’art contemporain ainsi que les arts visuels, ses œuvres mettent en avant des illustrations vivantes. Son autoportrait en pleine besogne titré « Self-portrait d’été » est preuve de l’instinct naturel de liberté chez l’artiste: sa volonté de fixer l’instantané et de transmettre un rendu esthétique assez vibrant et inventif, tendant à une tout autre (ré) appropriation de la notion de fragmentation.

Vivre en dehors de chez soi est, de toute évidence, le plus grand sacrifice consenti par quelqu’un. La majeure partie de l’œuvre de Josepha Dumas nous le prouve haut et fort. Au point que sa géographie intime ne manque d’éclater sous le regard curieux de ses « spectateurs ». Sans cesser d’expérimenter à tout va, elle ne rate aucune occasion de s’identifier à une certaine folie (créatrice) de tout transformer en « lakay », son espace fétiche, plus exprimé que montré. Ainsi soutient-on que l’œuvre de Josepha Dumas est tout à fait expressive, loin d’être la simple impression figurative de ses émotions. D’une fougue permanente, elle a le mérite de parvenir à créer des états d’âme et proposer une diversité thématique assez considérable.

Entre figurations du retour comme « renvoi thématique » et nostalgie, on aurait du mal à situer ou caser les émotions de Josepha Dumas. Ce qui est surtout important et sûr dans sa quête, c’est la texture du discours que charrie chaque mouvement. Et c’est justement ce qui valide, loin de tout formalisme, sa propension à symboliser le retour au lieu de le peindre de façon béate. On sent la distance d’une réserve chagrine et même anxieuse.

Aussi incisifs qu’éthérés, les dessins intitulés « M ap rive lakay », « Marie-Reine du Monde en face d’Haïti » et « Lakay lakay » achevés en janvier 2022 qui brillent d’une flamme intérieure sont touchants et montrent bien chez l’artiste, entre l’enfance et le rêve, une dimension symbolique de la perspective du retour. Incantations assidues, presque troublantes. Pas seulement de portraits renfrognés, de natures mortes en veux-tu en voilà, un type humain très présent et bien visible, issu des liens de parenté et de l’actualité. De son père (Pierre Raymond Dumas) qui est un journaliste et auteur connu, elle a hérité le gout de l’écriture et de la création, entretenant allègrement des rapports serrés avec son environnement et son identité. Mais encouragée par sa mère (Marie-Noelle Lauture Dumas), architecte de profession, elle manifeste dès son plus jeune âge ses prédispositions au dessin et à la peinture.

L’ailleurs dans l’œuvre de Josepha Dumas

Le voyage est plutôt intimiste, symbolique même. L’artiste propose ici une œuvre qui sied bien dans la mise en scène d’une interaction entre l’espace et le temps, pour la création de nouveaux mondes. Figures floues? Ame flamboyante ? Pas seulement, mais quelque chose comme une marche forcée : le regard bleu du rêve Et c’est finalement l’occasion de découvrir un jeune talent en plein essor. Pour elle, comme pour de nombreux artistes, le voyage est un vecteur de rêve et de découverte de l’ailleurs et en même temps un ferment pour rendre possible chez l’artiste, le dépassement de toutes (les) limites. Comme le soutient Hélène Gaudy, dans son ouvrage intitulé « L’art de l’ailleurs publié en 2013,  » Et si l’ailleurs était avant tout une question de point de vue? Et justement chez Josepha Dumas, la démarche a tout d’une invitation à découvrir un choix esthétique qui tente de reconstituer des possibilités pour une tout autre approche de l’ailleurs dans la modernité.

Voyage intime / juillet 2022/ Markers on paper

 

Esquisse BIO

Claire Marie Estelle Josepha Dumas est une artiste inter(multi)disciplinaire franco-haïtienne. Née le 27 novembre 1994, elle a grandi à Pétion-Ville, Haïti, a ensuite déménagé à Miami, FL, puis à Sarrebruck, Allemagne, avant de s’établir à Montréal, Qc, Canada. Avec succès, elle a obtenu un baccalauréat en beaux-arts, spécialisation en peinture et en dessin avec une mineure en études cinématographiques. Elle a participé à différentes expositions collectives et a créé de nombreux projets dans différentes disciplines telles que le dessin, la peinture, performance, vidéo, musique et animation.

Laisser une réponse

Your email address will not be published. Required fields are marked *

Input your search keywords and press Enter.